Ce qui frappe le plus fortement, passé la parfaite et sobre façade Art déco édifiée en 1927 par l’architecte Jean-Marcel Auburtin, c’est, au-delà du hall d’accueil, la majestueuse et processionnelle colonnade de 45 mètres de long qui s’étire depuis le péristyle surmonté d’une coupole jusqu’à la salle de concert. Un ensemble magnifique, justement inscrit sur l’Inventaire supplémentaire des monuments historiques et très subtilement réaxé par Auburtin, qui voulait annuler la géométrie contrariée de la parcelle de terrain investie.
C’est à la volonté de Gustave Frantz Lyon, polytechnicien et musicien qui présidait alors aux destinées de la manufacture des pianos Pleyel, que l’on doit ce chef-d’œuvre. Déjà, celui-ci avait commandité des créateurs tels Jacques-Émile Ruhlmann, René Herbst, René Prou et Pierre Legrain pour dessiner des pianos. Mais il lui fallait plus : une salle de concert qu’il concevra en association avec Auburtin et que Le Corbusier saluera, la qualifiant de « création architecturale plus moderne encore » que le théâtre des Champs-Élysées édifié quatorze ans plus tôt, avenue Montaigne, par Auguste Perret.
Incendies, vicissitudes diverses, changements de propriétaire firent tant, au fil du temps, que la Salle Pleyel déclina et sombra presque dans l’oubli. Jusqu’à ce qu’Hubert Martigny la rachète et passe un accord avec l’État. Accord qui voit confier la location, la gestion et la programmation de Pleyel à la Cité de la musique, et l’Orchestre de Paris ainsi que l’Orchestre philharmonique de Radio France y établir leur résidence.
Une campagne de réhabilitation est alors engagée. Elle est confiée à l’architecte François Céria, qui s’attache dans un premier temps à redonner leur intégrité à la façade, l’accueil, au péristyle et à la colonnade, rouvrant la rotonde vers le ciel, reconstituant la mosaïque géométrique au sol, ramenant à la vie les ferronneries de Subes, les médaillons de Lebourgeois et les luminaires de Bagues.
À l’étage supérieur, en lieu et place des studios de danse, c’est désormais un vaste et confortable foyer qui se donne à voir depuis la rue.
Puis Céria s’attaque à la salle de concert, laquelle, à l’origine, se présentait sous la forme d’une coque dorée, en forme de porte-voix, suspendue à une série de portiques en béton armé. Et que venaient scander des tentures de Jaulmes aujourd’hui depuis longtemps disparues. « La structure en béton était d’une incroyable invention et d’une invraisemblable légèreté pour l’époque. Il fallait la reconquérir et en amplifier les possibilités », confie François Céria. Chose faite puisque la conque est à nouveau exprimée dans la totalité de ses 33 000 mètres cubes, et bénéficie d’une acoustique très pointue élaborée par Artec.
La salle proprement dite, d’une jauge de 1 910 places, est constituée d’un vaste parterre, surmonté de deux balcons eux-mêmes prolongés par des bergeries latérales. À l’arrière de la scène, des gradins accueillent tout aussi bien les chœurs que des spectateurs privilégiés.
Événement architectural en ce que cette réhabilitation s’apparente à la résurrection d’un chef-d’œuvre de l’Art déco, la réouverture de la Salle Pleyel est également un événement musical puisqu’elle dote Paris d’un équipement qui lui manquait cruellement et qui va lui permettre de concurrencer à nouveau les grandes villes telles Londres, Berlin ou New York.
C’est donc le 13 septembre que Pleyel sonnera à nouveau avec, naturellement, la symphonie no 2 Résurrection de Gustav Mahler interprétée par l’Orchestre de Paris sous la direction de Christoph Eschenbach. Suivront au fil de l’année 2006, dans un bel esprit d’ouverture et d’éclectisme, Paco de Lucía et Armin Jordan, Keith Jarrett et Willliam Christie, Angela Gheorghiu et Jordi Savall, Nikolaus Harnoncourt et Ute Lemper, Jessye Norman et Alain Bashung…
252, rue du Faubourg-Saint-Honoré, 75008 Paris, rens. et rés. au 01 42 56 13 13 et www-sallepleyel.fr
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Céria revisite Pleyel
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°242 du 8 septembre 2006, avec le titre suivant : Céria revisite Pleyel