Art contemporain

Méthode champenoise

Buren millésimé

Par Anaïd Demir · Le Journal des Arts

Le 30 juillet 2007 - 527 mots

À Reims, le cru 2007 de « L’expérience Pommery », mis en scène par l’artiste, offre de pétillantes sensations spatio-temporelles.

REIMS - Un vent de spiritualité semble traverser cette année les crayères gallo-romaines du domaine Pommery, à Reims (Marne). À moins qu’il ne s’agisse d’une série d’expériences spatiales et visuelles qui à la fois courent les murs et occupent les allées.
C’est Daniel Buren qui a assuré le commissariat de « L’emprise du lieu », la quatrième édition de « L’expérience Pommery ». Partout dans cette exposition, les lieux sont chargés d’une énergie qui passe notamment par la maîtrise des sources lumineuses. L’espace est parfois redessiné, ainsi avec le couloir lumineux de Jacqueline Dauriac tout de néons et de sensations colorées. L’immense installation de Claude Lévêque se joue, elle, des réflexions de la lumière sur des miroirs et laisse planer une scintillante menace sur les visiteurs. En forme d’étoiles, les néons d’Ann Veronica Janssens nous font douter de la qualité du matériau qui les constituent. Solide, liquide ou gazeuse ? Il s’agit bien de lumière, là encore, mais aussi artificielle que la toile d’araignée géante tissée par Mona Hatoum.

Champagne « prêt-à-monter »
C’est à la lueur naturelle et vacillante d’une série de bougies installées sur une table que le Cubain Carlos Garaicoa présente sa conception personnelle de la ville moderne : des buildings qui partent lentement en fumée. À méditer. Autre matière à « réflexion » : une série de Vierge Marie en aluminium dont la réunion par Kader Attia rappelle la cérémonie de la prière musulmane.

Avec le Japonais Tadashi Kawamata, l’énergie est aussi bien spirituelle que matérielle : le visiteur s’abrite sous une fabuleuse Cathédrale de chaises qui invite à l’introspection tout en filtrant la lumière du jour. Un clin d’œil à l’œuvre que l’artiste avait réalisée en 1997 à la chapelle Saint-Louis de la Pitié-Salpêtrière à Paris. Les pots de cuivre de l’artiste indien Subodh Gupta ou les extraterrestres Vaudou de Pascale Marthine Tayou se situent quant à eux entre accumulation et spiritisme. Le répugnant personnage lippu aux mains démesurées – sans aucun doute l’œuvre ovni de l’exposition – présenté à l’entrée des caves par Mathieu Mercier évoque pour sa part notre géographie sensorielle.

Alors que le drapeau de Michel François flotte sans fin, imperturbable, Philippe Parreno surfe sur la science-fiction en rebaptisant certaines galeries des noms d’« Hyperion », « Pudong », « Téranésie »… Dans les souterrains comme en surface, il est aussi question d’architecture avec des maquettes (Alicia Framis, Luca Pancrazzi) et des sculptures, parmi lesquelles le mobilier « dérangé » de Nathalie Elemento, ou la page agrandie du magazine Artforum plantée dans le parc du domaine par Pierre Bismuth… Mais, question humour, c’est Igor Antic qui retient notre attention avec son champagne Pommery en poudre et « prêt-à-monter ». Quant à Buren, il a laissé son empreinte dans les caves de Pommery en gravant ses habituelles bandes à même les murs de craie. Mais l’artiste met ici plus particulièrement en évidence ses talents de metteur en scène. Parce que si l’exposition présente en définitive peu de découvertes, elle offre de pétillantes sensations spatio-temporelles.

Expérience Pommery #4, L’emprise du lieu

Jusqu’au 1er novembre, domaine Pommery, 5, place du Général-Gouraud, 51100 Reims, tél. 03 26 61 62 56, tlj 10h-18h. Catalogue à paraître.

L’emprise du lieu

- Commissaire de l’exposition : Daniel Buren - Nombre d’artistes : 37

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°259 du 11 mai 2007, avec le titre suivant : Buren millésimé

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