Biennale de Venise, premières impressions

VENISE - Voilà longtemps qu’était attendue une Biennale de Venise satisfaisante. Après une longue série de propositions très moyennes voire décevantes – hormis l’édition 2009 organisée par Daniel Birnbaum, conceptuellement exigeante et assez injustement mal comprise –, la 55e édition est revigorante.

En s’intéressant aux savoirs et à leur inscription dans le monde, à leur appropriation par les artistes à travers l’archive des images, l’organisation de leur lecture, de l’enregistrement de leurs évolutions, Massimiliano Gioni, le directeur de l’événement, est parvenu à livrer une Exposition internationale précise et bien accrochée. Sur les deux sites de l’Arsenal et du Pavillon international des Giardini se côtoient des propositions mêlant rationalisme et spirituel, nature et artifice, réception et transmission, archivage à visée personnelle et déploiement à destination du plus grand nombre… Le tout sans se satisfaire des gimmicks ou fétiches de la mode et du marché, mais en réservant de belles surprises et des découvertes, en particulier côté artistes asiatiques ou africains.

« Grosse fatigue », œuvre opportuniste
Le Lion d’or du meilleur artiste de ce « Palais encyclopédique » est allé au Britannique Tino Sehgal pour une performance jouée dans une salle du Pavillon international, relative à la transmission du savoir entre des personnes de générations différentes, tandis que le Lion d’argent est revenu à la Camille Henrot. Un choix curieux tant le film de la Française, Grosse fatigue (2013), concocté pour l’occasion, est apparu comme une œuvre opportuniste. Sur une musique plaisante genre R&B, idéal pour accrocher le spectateur, se déployaient, juxtaposées, des images remarquablement lisses et calibrées liées à l’enregistrement et à la diffusion de la connaissance et de l’information, par voie électronique notamment. L’ensemble reste plat, pour tenter de coller absolument à la thématique de l’exposition avec un produit parfait.

Avec quatre-vingt-huit participations nationales et plus d’une cinquantaine d’« événements collatéraux » – soit autant d’expositions plus ou moins pertinentes réparties en ville –, Venise a une fois de plus fait le plein. Le Lion d’or du meilleur pavillon a été attribué à l’Angola explorant à travers l’œil photographique d’Edson Chagas les contradictions et tiraillements entre objets et espaces de sa capitale, Luanda.

De plus en plus, la Biennale agit comme un aimant et tout le monde veut en être, qui pour voir, qui pour espérer obtenir un peu d’attention, souvent en vain tant il y a foule. En ville, la nouvelle édition du « Future Generation Art Prize », exposition organisée par le Pinchuk Art Centre, vaut le détour. Si la sélection n’y apparaît pas franchement prospective, tant elle surfe sur la « branchitude » et les succès repérés au cours des derniers grands événements internationaux, elle permet néanmoins de confirmer quelques pistes à suivre comme celles d’Ahmet Ogüt, de Rayyane Tabet, de Lynette Yiadom-Boakye ou d’Aurélien Froment. Surtout, la Fondazione Prada a frappé fort et intelligemment en proposant un véritable « remake » de la mythique exposition « Quand les attitudes deviennent forme », organisée par Harald Szeemann à la Kunsthalle de Berne en 1969… La reconstitution permet ainsi de diffuser ce « savoir » inconnu du plus grand nombre, quelques images mises à part.