À la galerie Emmanuel Perrotin, à Paris, Bernard Frize présente le second volet d’un projet pensé conjointement avec la galerie Simon Lee, à Londres. S’y révèlent plusieurs suites de peintures récentes, et notamment Au pistolet (2007), une série de tableaux à la surface devenue floue grâce à l’usage d’un pistolet à air comprimé.
Y a-t-il un programme régissant l’évolution de votre travail depuis le début ?
Il y a certainement un programme, mais moi-même je ne le connais pas !
Pour quelles raisons procédez-vous par séries ?
Je n’ai pas toujours procédé par séries. Ce sont parfois des tableaux qui fonctionnent selon des suites ; ou des ensembles en dehors des séries qui s’avèrent complets en eux-mêmes. Dans les séries, je cherche à épuiser une manière de faire, à trouver une solution à l’intérieur de l’activité de peinture pour chercher à produire quelque chose d’autre. J’essaye ainsi de trouver ce qui va me relancer vers d’autres formes ou d’autres manières d’envisager la suite des événements.
On pourrait parler de l’élargissement d’une gamme ou du début d’une partition qui trouve d’autres ouvertures au fur et à mesure ?
Pour moi, il s’agit plutôt d’une réflexion avec des idées. Le côté formel ne m’intéresse pas du tout. Ce qui me plaît, c’est de trouver des idées dont la peinture est la manifestation. C’est cela que je tente d’expérimenter dans ces différentes séries.
La structure apparaît fondamentale dans vos œuvres. Est-ce que tout est pensé dès l’origine, ou bien à partir d’une base de départ laissez-vous un peu faire le hasard ?
Ça ne se passe pas vraiment comme cela. Le fond de l’affaire, c’est qu’il faut se donner de bonnes raisons de faire les choses. Il y a un côté très mélancolique dans tout ça. Il faut donc commencer par quelque chose. Le quelque chose en question, pour ces peintures-là, ce sont des lignes, c’est un jeu, une manière de penser la peinture… J’essaye de trouver une manière de peindre la toile en un seul coup, avec un minimum de signes et un maximum de simplicité. Pour toutes les séries exposées ici, une grille est appliquée sur la toile ; par exemple, pour les Suite à onze (2006-07), il n’y a qu’une seule ligne qui parcourt toute la toile. Et sur ces grilles il se passe différentes choses. En l’occurrence, la plupart du temps, il s’agit de supprimer les intersections de manière à ce que la ligne soit continue. Il s’agit du principe de départ et l’on a plusieurs formes issues de ce même principe.
Comment en êtes-vous venu à vouloir utiliser le pistolet ?
Je voulais que la stratification des dessous et des dessus soit plus visible qu’avec le pinceau. En fait, ce qui m’intéressait, c’était de faire une peinture difficilement regardable.
Lors de l’exécution, votre main garde-t-elle une liberté par rapport à votre idée ou bien contrôlez-vous tout le processus ?
Je tente de trouver une idée qui génère les choses. Après cela, n’importe quels décision ou hasard n’ont absolument aucune importance.
Comment procédez-vous lors du choix des couleurs ?
Il y a un malentendu total à ce niveau-là. Les couleurs n’ont aucune importance. Elles servent juste à se distinguer les unes des autres et à montrer que les traits de pinceau sont différents entre eux.
La couleur est donc au service de la structure ?
Oui, elle permet de nommer et de discriminer.
Diriez-vous qu’elle aide à la mise en place de la composition ?
Oui, mais il s’agit une conséquence. L’important c’est qu’elle soit discriminante. Comme dans la vie, la couleur est toujours discriminante !
Vous expérimentez de nombreuses techniques…
Toutes ces choses-là ne me concernent pas. Je ne me sens pas impliqué par cela. Je fais en sorte que mon travail se mêle d’idées et soit altéré, modifié, par une réflexion sur le monde, dont la peinture serait la manifestation. C’est tout. La peinture est la réalisation d’un phénomène situé en amont, qui est une pensée en général, dont la nature serait plutôt, comme pour tous les artistes, philosophique.
Jusqu’au 8 décembre, Galerie Emmanuel Perrotin, 10, impasse Saint-Claude, 75003 Paris, tél. 01 42 16 79 79, www.galerieperrotin.com, tlj sauf lundi 11h-19h. Cat. co-éd. Galerie Emmanuel Perrotin, Simon Lee Gallery, 104 p., ISBN 978-0-9555606-2-0.
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Bernard Frize
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°268 du 2 novembre 2007, avec le titre suivant : Bernard Frize