Dans l’espace expérimental du Plateau, à Paris, l’ambiance est musicale : posters aux murs, diffusion de vidéoclips et une étrange cabane en bois dans laquelle on distingue des disques et une projection de diapositives. Réactivée pour l’occasion, l’installation LDRR’s Jukejoint (2004) d’Arnaud Maguet constitue une formalisation des activités de son label musical, Les Disques en Rotin Réunis (LDRR).
Quel est l’usage de LDRR’s Jukejoint ?
Il s’agit d’une plateforme réactivable pour montrer le travail et les productions des Disques en Rotin Réunis. Un label qui n’existe pas physiquement puisqu’il n’a pas de lieu dédié, mais prend place chez les disquaires, sur Internet, dans des concerts et parmi des usages domestiques. J’ai eu envie d’avoir, de temps en temps, une structure plus lourde afin de le fixer dans l’espace. J’ai souhaité le faire sortir du monde de l’exposition. Maintenant, je veux voir comment il peut y entrer de nouveau, quand je le décide. On peut donc organiser des mini-concerts à l’intérieur ou autour, présenter des éditions, des photos, etc.
La forme de la cabane et son aspect brut font-ils référence à quelque chose en particulier ?
C’est une référence directe aux jukejoints : des bars clandestins du Sud des États-Unis dans lesquels les Noirs se rassemblaient pour écouter du blues, la « musique du diable ». C’était une architecture très rudimentaire parce que quand les autorités en trouvaient une et décidaient de la brûler, ils pouvaient rapidement en reconstruire une autre ailleurs. Ce sont un peu des endroits mythiques car dans de nombreuses biographies d’artistes, tels Jerry Lee Lewis ou Elvis Presley par exemple, on présente les jukejoints comme des endroits de ségrégation inversée, où les blancs ne pouvaient pas entrer. Les artistes racontent qu’ils s’adossaient au mur extérieur afin d’écouter. C’est donc dans un de ces endroits que serait né le rock’n’roll, grâce au mélange de la country et du blues.
Le label ne produit-il pas que du rock ?
Le rock constitue la base mais je n’écoute pas que ça. Le label étant un peu le reflet de mes goûts, on y trouve un peu de tout : électro, musique hawaïenne, musique de films, krautrock, garage pop, punk low-fi, spoken word, recherches sonores… L’idée était surtout de faire des mélanges, de tout rendre possible et de sortir des chapelles ultra spécialisées comme nous en connaissons trop. En outre, dans cet endroit, même si on ne sait rien de l’histoire des jukejoints, on rentre tout de suite dans un univers. Le bois brut absorbe beaucoup le son, qui devient donc assez chaud, tout comme la lumière.
À l’intérieur de la cabane, le visiteur voit des disques produits par Les Disques en Rotin Réunis, mais aussi une projection de diapositives. De quoi s’agit-il ?
Ce sont des photos de la vie du label, que moi ou d’autres avons prises : des enregistrements, des tournées, des concerts, des fêtes… Elles sont en noir et blanc, sans niveaux de gris, afin qu’il y ait une sorte de mise à distance. Certaines sont presque abstraites. Cela en annule l’affect et permet de les repenser comme des dessins ou des formes, plus que comme un diaporama souvenir. Je n’aime pas l’aspect intimiste.
Vous faites de la musique, des pochettes, éditez des DVD, produisez des disques… Vous considérez-vous comme un producteur plus que comme un artiste ?
Non, je me considère comme un artiste dont un des outils de travail est la production. C’est une manière de répondre à la question de la production dans l’art contemporain, qui me paraît être essentielle. Mais producteur sonne comme peintre ou sculpteur. C’est comme si on me demandait « es-tu artiste ou peintre ? ». Pour moi, artiste et producteur vont ensemble.
Voyez-vous le label en lui-même comme une œuvre ?
Absolument, oui. Chaque chose produite a ses propres auteurs, chaque disque a ses musiciens, etc. Mais l’ensemble du label est considéré comme une œuvre, dont LDRR’s Jukejoint est une partie, qui a été acquise par le FRAC Ile-de-France.
Cette exposition au Plateau présente « Arnaud Maguet & Guests ». Qui sont-ils et pourquoi ?
A travers ce jukejoint, j’ai voulu placer cette exposition dans un espace et un temps précis de la vie du label. Le travail de la structure s’effectuant avec beaucoup d’invitations et de collaborations, je ne pouvais pas prétendre être le seul représenté. Il y a donc les noms de tous ceux qui ont réalisé les clips projetés dans la salle et les noms des artistes qui ont fait des affiches pour l’occasion, tel Jean-Luc Verna, avec qui je viens de donner un concert au Plateau.
Jusqu’au 18 février, Le Plateau, Place Hannah Arendt, 75019 Paris, tél. 01 53 19 84 10, www.fracidf-leplateau.com, tlj sauf lundi-mardi 14h-19h, samedi-dimanche 12h-20h. Le MAC/VAL, Vitry-sur-Seine, consacrera une exposition personnelle à Arnaud Maguet du 19 mai au 20 août.
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Arnaud Maguet
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°252 du 2 février 2007, avec le titre suivant : Arnaud Maguet