Le Musée départemental d’art contemporain de Rochechouart (Haute-Vienne) met à l’honneur Anthony McCall (né en 1946, vit à New York), avec une traversée de son œuvre dans le temps et l’espace. L’institution a réuni de nombreux dessins et traces de performances (telle la légendaire Landscape for Fire (1972)), ainsi qu’une belle sélection de ses Solid Light Films (anciens et récents) rassemblés sur un même niveau.
Pourquoi les dates de votre carrière (1972-1979/2002-2007) laissent-elles apparaître un arrêt en 1979 et une reprise en 2002 ?
Vers la fin des années 1970, j’ai senti que je parvenais à la fin de mon cycle des Solid Light Films. J’avais en outre un problème : la lumière que vous voyez est rendue visible de part son contact avec des particules dans l’air. Je montrais mes travaux à New York dans de vieux espaces industriels pleins de poussière, où les gens fumaient également. C’est cette poussière qui rendait visibles les œuvres et possible ce concept de révéler les rayons de lumière projetés en tant qu’objet. Mais cela ne fonctionnait plus dans des espaces muséaux et des galeries où l’air était très propre.
De plus, faire des films d’avant-garde dans les années 1970 n’était pas une très bonne décision en termes de carrière. Les galeries, de manière idéologique, ne montraient pas d’œuvres basées sur le temps, mais des objets sur le sol et les murs. Des choix totalement confirmés par les critiques et l’establishment de l’époque. J’ai voulu faire la distinction entre un art qui bouge et un qui ne bouge pas, comme dans Long Film for Ambient Light (1975). Puis j’ai cessé ces activités et je me suis lancé dans le design graphique et l’édition de publications artistiques, ce qui a très bien marché.
Au milieu des années 1990, l’art vidéo est devenu très important, avec des niveaux de qualité divers. Je crois que c’est à ce moment-là que j’ai recommencé à penser faire de l’art.
Avec les Solid Light Films, en passant de la deuxième à la troisième dimension, vouliez-vous rendre le cinéma sculptural ?
Je ne pense pas que je pouvais articuler cette question à cette époque. C’est quelque chose que j’ai compris après l’avoir fait. Je crois que j’ai pensé explicitement aux problèmes de la sculpture en abordant ma nouvelle période de travail, même si je vois bien que certaines œuvres anciennes étaient engagées dans une voie sculpturale. La problématique sur laquelle je travaille aujourd’hui se situe exactement entre la sculpture, le cinéma et le dessin. Je peux me déplacer très confortablement autour de ce triangle, mais c’était implicite dans les années 1970.
À partir de 2003, vous avez créé de nouvelles œuvres de cette série. Qu’est-ce qui a changé ?
D’une certaine manière, je suis revenu à un nouveau début, mais il y a eu beaucoup de changements. Techniques, évidemment, avec un outil informatique que je n’avais pas et qui me permet de générer des formes nouvelles, comme Doubling Back (2003), une structure ouverte dans une direction et qui se ferme à l’envers. Dans les années 1970, je travaillais avec un cercle dans une ligne droite. Aujourd’hui, j’ai découvert les vagues ondulantes.
Et puis mon intérêt s’est déplacé vers la possibilité de représenter le corps. Le corps en tant qu’idée sculpturale : un vrai problème au cours des vingt-cinq dernières années, alors que sa représentation au cinéma n’a pas du tout posé de problème. J’ai donc cherché quel genre de formes pouvait le montrer, mais pas dans un sens pictural, ni dans celui d’une chose particulière que vous voyez comme une image. Je crois que vous pouvez comprendre un corps en ayant une communication avec un autre. C’est pourquoi You & I, Horizontal (2005), par exemple, tient dans la réciprocité entre deux formes complètement différentes.
Ces films sont-ils une sorte de narration abstraite ?
Vous employez le mot « narration » ! Je pense que, d’une drôle de manière, vous retournez souvent vers ce que vous avez réprimé. Ils sont abstraits, en effet, et vous n’avez qu’à regarder le titre pour percevoir des références narratives. Je pense qu’il n’y a pas de conflit entre les deux. Mais ceci aurait été impossible 10 ou 15 ans avant.
Au tout début, avec Line Describing a Cone (1973) et la façon dont vous avez inversé le focus, vouliez-vous effacer la limite matérielle du film et donc le placer dans une sorte de hors-champ ?
J’ai certainement été très intéressé par l’idée d’ouvrir le moment cinématographique. L’idée du cinéma étendu était très importante dans les années 1960. Pour ma part, j’étais très intrigué par la possibilité de démanteler beaucoup de la structure du cinéma commercial et de libérer le spectateur en créant une nouvelle relation, pas seulement avec l’objet, mais aussi avec l’espace qui l’engage.
Jusqu’au 7 octobre, Musée départemental d’art contemporain de Rochechouart, Place du Château, 87600 Rochechouart, tél. 05 55 03 77 91, www.musee-ro chechouart.com, tlj sauf mardi 10h-12h30 et 13h30-18h.
L’accès à la totalité de l’article est réservé à nos abonné(e)s
Anthony McCall : « Aujourd’hui, j’ai découvert les vagues ondulantes »
Déjà abonné(e) ?
Se connecterPas encore abonné(e) ?
Avec notre offre sans engagement,
• Accédez à tous les contenus du site
• Soutenez une rédaction indépendante
• Recevez la newsletter quotidienne
Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°264 du 7 septembre 2007, avec le titre suivant : Anthony McCall