Il est parfois des artistes dont le travail touche avec justesse à des questions pertinentes mais qui se trouvent mises en forme par des expressions qui le sont moins. Au vu de sa prestation au Plateau-Frac Île-de-France, à Paris, Alejandro Cesarco semble être de ceux-là.
PARIS - Pourtant l’artiste uruguayen installé à New York ne manque pas de finesse, au contraire. De l’ensemble de l’exposition se détache une obsession relative au vécu et à la possibilité de le retranscrire, d’en rendre compte en intégrant ces deux facteurs essentiels et indissociables que sont le temps et le caractère émotif intrinsèquement lié à l’expérience du réel. Le court film Present Memory (2010) constitue par exemple un bijou d’introspection savamment dosé. Il retransmet l’image statique, muette et paraissant distanciée de son propre père après qu’un cancer lui eut été diagnostiqué, soit une délicate et habile manière d’anticiper la perte possible tout en cultivant le souvenir… sans céder au pathos.
En dialoguant avec des photographies de Louise Lawler et de Jack Pierson ou avec des puzzles de Felix González-Torres, œuvres inscrites dans le parcours, Cesarco aménage des échos à ses préoccupations tels le bonheur, le vieillissement, la passion, le regret, la peur, les influences, l’échange… Le tout en procédant délicatement, par touches et fragments.
Mais à trop jouer cette carte de la finesse et de l’élégance retenue et distante, la démarche semble conduire, malheureusement, à une posture. D’autant que si l’inscription dans une lignée de l’art conceptuel, et surtout de certains de ses plus brillants suiveurs, est parfaitement assumée, elle n’en demeure pas moins troublante tant elle n’apporte rien aux propositions ici émises.
Lorsque González-Torres dresse en une phrase sur le mur un portrait de Julie Ault, artiste activiste cofondatrice du collectif américain Group Material (Untitled (Portrait of Julie Ault), 1991), Cesarco répond par un Portrait imprimé de Julie Ault (2013), qui maladroitement tente de dessiner son visage de profil avec un sage collage d’extraits de ses écrits.
Partout se déploient des pièces textuelles, listes et autres index, qui renvoient à des formes vues et revues sans que l’artiste ne parvienne à les animer un tant soit peu par une touche véritablement propre. Symptomatique est cette photographie répétée à trois endroits : elle évoque, par des traces ténues et disséminées dans l’espace, l’approche de la quarantaine (Portrait of the Artist Approaching Forty, 2013), mais rappelle furieusement… González-Torres une fois encore. Il n’est pas toujours aisé pour les élèves de ne pas se laisser enfermer par leurs maîtres.
jusqu’au 23 février, Le Plateau, place Hannah-Arendt, 75019 Paris, tél. 01 76 21 13 41, www.fracidf-leplateau.com, tlj sauf lundi-mardi 14h-19h, same di-dimanche 12h-20h.
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Alejandro Cesarco, temps mort
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Abonnez-vous dès 1 €Alejandro Cesarco, Secondary revision, vue de l'exposition au Frac Île-de-France/le Plateau. © Photo : Martin Argyroglo.
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°405 du 17 janvier 2014, avec le titre suivant : Alejandro Cesarco, temps mort