À quoi servent les écoles d’art territoriales ?

Mais s’il pose la question, l’ancien directeur des arts plastiques au ministère et actuel directeur de l’École supérieure d’art et de design de Marseille-Méditerranée évite soigneusement d’y répondre, si ce n’est par sous-entendus. Il faut dire qu’il avance en terrain miné et ne souhaite pas essuyer les mêmes sarcasmes (rappelés dans le rapport) que lors de l’annonce de sa lettre de mission. Aussi a-t-il circonscrit son analyse à un inventaire des problèmes les plus manifestes, c’est-à-dire principalement l’équation budgétaire qui met en tension (il parle de « burn-out ») les écoles territoriales. Sa solution : obliger les collectivités locales à donner plus d’argent à « leurs » écoles, et demander à l’État d’augmenter leurs subventions à ces collectivités locales. C’était attendu.

Ce qui l’est moins, c’est le constat inédit de l’auteur du rapport. En résumé : les collectivités locales considèrent qu’elles n’ont pas à s’occuper de ces écoles, l’État s’en désintéresse, les critiques d’art et les journalistes sont indifférents et mêmes les professeurs de ces écoles évitent d’en être les ambassadeurs. En réaction, « les écoles se vivent comme des îlots de résistance […] face aux assauts répétés et nécessairement délétères des forces néolibérales du marché, de l’Université, du “privé”… ».

Au fond, le problème budgétaire est la conséquence de ce désintérêt de l’écosystème culturel, lequel est agacé par les revendications désuètes de certains étudiants et enseignants de ces écoles. Il faudrait donc que les écoles fassent leur aggiornamento pour se rendre de nouveau désirables. On devine quelques pistes dans le rapport : revoir les enseignements dans une perspective plus en phase avec l’époque, oublier les postures doctrinaires, rédiger des contrats d’objectifs et de moyens pluriannuels, développer une offre de formation continue… Et son auteur esquisse du bout des lèvres le sujet tabou, celui de la carte des écoles en élargissant la focale aux offres concurrentes que sont l’Université et le privé. Pierre Oudart a ouvert le débat en posant de bonnes questions, il serait utile de le poursuivre sous la forme d’une large concertation sur le rôle et la bonne organisation de ces écoles.