Dans le domaine des arts appliqués – dont l’enseignement est souvent associé aux métiers d’art –, il existe en France cinq écoles supérieures réputées pour la préparation du BTS (brevet de technicien supérieur) et une multitude d’écoles privées, publiques et de lycées. Pour s’y retrouver, le JdA propose une visite guidée au cœur des divers enseignements : art du textile, stylisme de mode, graphisme, céramique, ameublement, et autres cours d’ébénisterie, marqueterie, tapisserie, gravure, ciselure ou monture...
Placées sous tutelle du ministère de l’Éducation nationale, les écoles Boulle, Duperré, Estienne, Olivier-de-Serres, situées à Paris, et l’ESAAT (École supérieure des arts appliqués et du textile) à Roubaix, sont les cinq établissements d’enseignement supérieur des arts appliqués réputés en France. Célèbre pour son travail du bois et du meuble, Boulle dispense également des cours de menuiserie, tapisserie, sculpture, ciselure, gravure ornementale ou en modelé, et a élargi ses cours aux arts de l’habitat, de l’architecture intérieure et de l’expression visuelle. Comme l’ESAAT, Duperré est spécialisée dans le textile, et propose d’autres cours – environnement visuel et architectural, tissage, céramique, images de la communication – tandis qu’Estienne, axée vers le graphisme et l’illustration, développe aussi les méthodes et savoirs traditionnels des métiers du livre (gravure, doublure, reliure et impression). Seule l’école Olivier-de-Serres prépare au BTS d’art céramique, parallèlement à des enseignements d’architecture intérieure, d’art du textile, de création industrielle, de communication visuelle, d’art mural – fresque, laque, mosaïque – et de sculpture appliquée au métal ou aux matériaux de synthèse. Nouvelle école supérieure, héritière du cours Froment créé en 1863, l’EPSAA (École professionnelle supérieure d’arts graphiques et d’architecture de la Ville de Paris), à Ivry-sur-Seine, propose des formations en arts graphiques et en conception de projet architectural en cycle court, dont la spécificité est d’être assurée par des professionnels en exercice. Les élèves peuvent aussi étudier les arts appliqués dans les écoles d’art, comme à l’ENAD (École nationale d’art et de design) de Limoges-Aubusson, qui propose de suivre un cursus textile et céramique, au sein de l’option design. Par ailleurs, certains lycées organisent leurs propres BTS, tel le lycée La Martinière-Terreaux à Lyon, spécialisé dans le design industriel, le stylisme et l’architecture intérieure.
Au bout des deux premières années, les diplômes obtenus sont des brevets techniques supérieurs d’arts appliqués (BTS AA) ou des diplômes des métiers d’art (DMA), deux domaines souvent associés, voire confondus. Ensuite, les étudiants peuvent poursuivre leurs études avec des diplômes supérieurs d’arts appliqués (DSAA), qui durent également deux ans. À l’instar de 60 % des élèves entrés à Olivier-de-Serres, la majorité d’entre eux, espérant s’inscrire en BTS des cinq grandes écoles, a suivi la filière classique – baccalauréat littéraire ou scientifique. Pour cela, il leur faut effectuer une année de mise à niveau, dite MANAA, dans une des cinq écoles – à Boulle ou Duperré, 90 % des inscrits en BTS ont été préparés dans l’établissement –, mais aussi dans des institutions privées ou des écoles d’art. Seuls les bacheliers STI Arts appliqués sont dispensés de MANAA et peuvent directement entrer en première année BTS. “Je trouve que nous ne sommes pas assez informés et pas suffisamment tôt. S’orienter dès le lycée permet de gagner du temps, de trouver sa voie et d’être plus vite professionnel. En France, les lycées techniques ne sont pas valorisés, mais plutôt considérés comme des portes de secours pour mauvais élèves. Avec un brevet de technicien, il est possible de travailler au sortir du lycée, mais, si on estime qu’il est trop tôt, on peut aussi bien intégrer une des écoles supérieures d’arts appliqués”, explique Céline, maquettiste, ancienne élève au lycée d’arts appliqués Elisa-Lemonnier, à Paris, puis aux Gobelins.
Prépa et MANAA
Très rigoureuse, la sélection aux cinq écoles se fait à partir du mois d’avril. À Olivier-de-Serres, en 2001, ils étaient 1 762 à vouloir s’inscrire en MANAA pour seulement 120 postes et 2 024 en BTS pour 200 places. Des chiffres similaires se retrouvent pour Duperré, qui a comptabilisé quelque 1 500 demandes pour une sélection de 270 dossiers, sur lesquels seulement 85 ont été retenus pour la MANAA. “Le marché est restreint. Nous trouvons du travail pour pratiquement tous nos étudiants. Si on doublait les effectifs, on risquerait de créer des formations sans emplois durables”, commente Bruno Baloup, professeur de fresque à Olivier-de-Serres. Les candidats sont d’abord retenus sur dossier scolaire, puis doivent passer des épreuves écrites et graphiques, des critères de sélection qui ne sont pas toujours jugés satisfaisants. “Nos enseignements comportent de nombreux cours théoriques, avec du français, des langues, de la physique, de la perspective, et même de la gestion... On ne peut pas faire fi du sérieux scolaire. Cela dit, nous apprécions les dossiers personnels, avec une activité extrascolaire. Nous refusons les mauvais élèves mais, si un élève moyen a par ailleurs une démarche très personnelle, s’il sort du lot, il pourra être sélectionné”, argue Bruno Baloup. Sur les étudiants retenus par l’école, 50 % ont effectivement eu leur bac avec mention. “Je retourne fréquemment aux portes ouvertes, et j’ai remarqué que le niveau a baissé, déplore Céline. Aujourd’hui, les écoles sélectionnent de plus en plus uniquement sur dossier scolaire et partent du principe : ‘on formera les étudiants à notre sauce’. Or, les bons artisans ne sont pas forcément les meilleurs élèves.” Pour sa part, Jean-Luc Boussaroque, directeur de l’école Olivier-de-Serres, remarque que, “vu le niveau d’étude et le type de sélection que nous sommes contraints de faire, il n’y a pas de problèmes de scolarité mais plutôt d’orientation. Certains jeunes se font une fausse idée de ce que sont réellement les métiers d’art et viennent dans une optique nombriliste, pensant : ‘je vais faire ce qui me plaît’”.
Pour les recalés, il existe une multitude d’écoles privées, plus ou moins bonnes. Les années de préparation qui y sont dispensées peuvent aider à intégrer l’année de mise à niveau des grandes écoles, rarement de rentrer en deuxième année. “Quelqu’un qui a fait une école privée augmente ses chances pour entrer dans nos écoles : il aura plus de maturité et son dossier sera plus pertinent”, explique Jean-Luc Boussaroque. Nicolas et Julie, étudiants en deuxième année à l’école supérieure Duperré, ont ainsi suivi un an de prépa dans un établissement privé – d’un coût d’environ 4 500 euros –, avant d’intégrer la MANAA. Marie, également étudiante à Duperré, a, quant à elle, directement intégré la première année de BTS après une école semi-privée. En moyenne, une école privée coûte de 4 000 à 4 500 euros par an et, en général, un vieil adage veut que “plus elles sont chères, moins elles sont bonnes”. Quelques rares exceptions, comme la célèbre école Penninghen, à Paris (6 000 euros l’année), confirment la règle. En définitive, il est recommandé de retenir des écoles homologuées par l’État, comme l’école Sainte-Geneviève, à Paris (VIe arrondissement). Par leurs taux de réussite, d’autres établissement ont prouvé qu’ils étaient de bonne qualité comme l’atelier de Sèvres, à Paris, ou encore l’école de Condé, à Lyon, Paris et Nancy, qui propose des diplômes d’État, et un European bachelor. Différentes écoles d’art, telles celles de Montpellier, Châteauroux, Castres, Versailles ou encore Douai, préparent aussi aux grandes écoles.
À l’image de l’école de Roubaix, l’enseignement en BTS et en DMA comprend en général 33 heures de cours, répartis entre l’enseignement général – 7 heures de français, langues vivantes, mathématiques, sciences physiques, gestion et législation –, artistique – 7 heures de dessin et d’expression plastique – et professionnel – 19 heures en ateliers. L’enseignement se veut diversifié. “Nous ne sommes pas des puristes, nous sommes des électrons libres, des touche-à-tout, des ‘sauvages’. Nos méthodes sont sérieuses, mais cela se voit à la fin, explique Marie Rochut, enseignante à l’école Duperré. C’est indispensable d’avoir une vision transversale très tôt, il faut arrêter de séparer les disciplines. Je crois que l’on peut développer l’intelligence par le sensible.”
Voyages d’études à Venise ou Marrakech
Les journées sont réparties entre apprentissage théorique et travaux pratiques. À Duperré, par exemple, le lundi est réservé à l’expression plastique, les mardis et mercredis aux matières générales et la fin de la semaine aux ateliers d’infographie, de sérigraphie et de maille, pour les étudiants en textile. “On nous laisse gérer notre temps comme on le souhaite, précise Nicolas. Selon les besoins, on jongle.” Les étudiants peuvent rester autant qu’ils le souhaitent en atelier et ont la possibilité d’y venir le samedi matin. En première année, ils doivent également effectuer un stage en entreprise, de quatre à six semaines, une initiative qui a amené Julie à travailler chez Lancel et Marie avec Corinne Cobson, l’année dernière. À Olivier-de-Serres, les élèves participent dès la première année à des chantiers réels, comme la réalisation de fresques pour l’hôpital Georges-Pompidou, à Paris, ou des travaux de restauration d’un prieuré, dans l’Oise. “Lors des portes ouvertes, certains professionnels commandent des travaux. Cela permet de dynamiser l’école, alors branchée sur l’extérieur, et de travailler à échelle réelle”, raconte Bruno Baloup. Ses élèves ont également l’occasion de participer à des voyages d’études, à Venise pour apprendre la technique du stuco lucido avec un architecte, ou à Marrakech afin de s’initier à la fabrication et la pose de zelli (mosaïque céramique). Après l’obtention du BTS, il est possible de poursuivre ses études avec un DSAA ou encore de rentrer à l’Ensad ou Ensba (respectivement École nationale supérieure des arts décoratifs et École nationale supérieure des beaux-arts), mais les enseignants en BTS et DMA souhaiteraient plutôt développer un post-BTS, une troisième année plus en adéquation avec les deux premières. “La troisième année permettrait de poursuivre nos activités diplômantes en restant dans nos domaines respectifs, note Bruno Baloup. Dans les cinq années à venir, cela devrait se faire.” Pour l’instant, l’administration argue qu’il n’y a pas de cadre légal pour une formation en trois ans et invoque des problèmes de budget. Pourtant, cette troisième année permettrait à certains élèves d’effectuer des stages en entreprise dans le cadre de l’école, au lieu de s’inscrire à l’Université uniquement pour obtenir des conventions de stage. De son côté, il y a huit ans, parallèlement au DSAA, Duperré a mis en place une sorte de post-BTS, non diplômant mais facilitant l’entrée dans la vie professionnelle, dont le ministère pourrait s’inspirer pour élaborer cette année supplémentaire. Pour sa part, Boulle vient de lancer de nouveaux diplômes à la rentrée 2001-2002 : la licence professionnelle “chargé d’affaires en agencement” et la licence option “design” suivie d’une maîtrise et d’un DESS (lequel ouvrira en 2002-2003).
- École supérieure Boulle des arts appliqués aux industries de l’ameublement et de l’architecture
intérieure, 9 rue Pierre-Bourdan, 75012 Paris, tél. 01 43 46 67 34.
- École supérieure des arts appliqués Duperré, 11 rue Dupetit-Thouars, 75003 Paris, tél. 01 42 78 59 09.
- École nationale supérieure des arts appliqués et des métiers d’art Olivier-de-Serres, 65 rue Olivier-de-Serres, 75015 Paris, tél. 01 53 68 16 90.
- École supérieure Estienne des arts et des industries graphiques, 18 boulevard Auguste-Blanqui, 75013 Paris, tél. 01 55 43 47 47.
- École supérieure des arts appliqués et du textile, 539 avenue des Nations-Unies, 59000 Roubaix, tél. 03 20 24 27 77.
- École professionnelle supérieure d’arts graphiques et d’architecture de la Ville de Paris EPSAA, 25-29 rue Raspail, 94000 Ivry-sur-Seine, tél. 01 56 20 24 70.
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Prépa, mise à niveau, diplômes, le marathon des arts appliqués
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°142 du 8 février 2002, avec le titre suivant : Prépa, mise à niveau, diplômes, le marathon des arts appliqués