Les Ateliers d’art de France publient leur deuxième « Baromètre des métiers d’art ».
L’étude révèle notamment la grande faiblesse des dispositifs de formation.
Recueillir des données sur la sociologie et les pratiques professionnelles des artisans d’art, mais aussi battre en brèche certaines idées reçues sur ce secteur : telle est la vocation de l’Observatoire des métiers d’art, mis sur pied il y a deux ans par Ateliers d’art de France, syndicat professionnel créé en 1868 – qui est par ailleurs copropriétaire du salon Maison&Objet. Il vient de publier les résultats d’une seconde enquête, consacrée à la formation et à la transmission des savoir-faire, et pilotée par Dominique Reynié, sociologue et professeur à Sciences-Po. Si le Baromètre des métiers d’art fournit quelques précieux indicateurs – que les pouvoirs publics n’ont jamais délivrés –, il est toutefois à utiliser avec un bémol. L’étude est en effet réalisée à partir d’un questionnaire adressé aux 1 350 adhérents du syndicat, lesquels représentent 75 métiers – encore fortement dominés par les céramistes et les verriers – alors que la nomenclature des métiers d’art en recense plus de 200. « Ces études ne prétendent pas être une photographie du monde des artisans d’art, nuance Dominique Reynié. Il s’agit d’une enquête exhaustive menée sur une communauté. » Or depuis 2006, cette « communauté » liée aux Ateliers d’art de France a crû très fortement ( 60 %), signe que les professionnels sont sensibles à cette démarche.
Cette enquête est néanmoins riche d’enseignements. Elle fait notamment apparaître les artisans d’art comme des professionnels beaucoup plus optimistes qu’il n’y paraît, une majorité d’entre eux croyant en l’innovation pour attirer de nouveaux clients. « La situation est très différente du cliché présentant une population inquiète et pessimiste, souligne Dominique Reynié. Cette population est inquiète mais pas abattue, déterminée à agir, attachée aux traditions mais pas passéiste. » Sur la question du devenir des savoirs, seule une minorité des artisans estiment en effet qu’il est « déjà trop tard ». Leur rôle dans la valorisation des territoires y est également relevé. 63,4 % des artisans d’art habitent dans des communes de moins de 10 000 habitants, vraisemblablement afin de bénéficier de coûts d’installation moins élevés. Cet isolement est en partie compensé par un très fort taux de connexion à Internet (93,8 %).
« Multiplication de formations bidons »
L’importance, mais aussi la faiblesse, des formations a bénéficié d’un éclairage particulier. Les professionnels en sont demandeurs pour de multiples raisons, à commencer par le taux de reconversion. Près de la moitié d’entre eux (49,3 %) exercent leur métier depuis moins de dix ans, les deux tiers des répondants s’étant engagés dans la vie active par une autre voie. Les stages, mais aussi la formation continue, jouent donc pour eux un rôle fondamental dans la transmission des savoirs. Or les fonds de formation, auxquels la plupart d’entre eux cotisent, sont nettement sous-utilisés. Plusieurs explications peuvent être proposées. D’une part, la qualité des formations est jugée de manière très négative à une très large majorité (62 %), ce regard critique étant probablement aiguisé par le niveau de diplôme relativement élevé des répondants. 63 % sont en effet titulaires au minimum du baccalauréat alors que seuls 40 % (mais 74 % des 20-30 ans) ont un diplôme des métiers d’art. Nombreux sont les artisans d’art à dénoncer la multiplication de « formations bidons qu’il faudrait éradiquer ». Paradoxe : alors que les artisans d’art plébiscitent les formations très spécialisées, celles-ci tendent à disparaître car elles n’attirent logiquement qu’un faible nombre de candidats. « Il existe une tension forte entre la nécessité d’investir dans des formations pour répondre à cette demande et leur viabilité économique », relève Dominique Reynié. La barrière économique est aussi un frein à la formation continue. Lorsqu’un artisan travaille seul, ce qui est le cas pour 67 % d’entre eux, il ne suivra une formation qu’au prix d’un arrêt de sa production. L’argument économique est également mis en avant lorsqu’il s’agit d’adopter la démarche du précepteur – 1/3 l’ont déjà été dans le cadre de la formation continue et 1/5 dans celui de la formation initiale. 66 % des artisans déclarent qu’ils accepteraient un tutorat si celui-ci était accompagné d’une indemnisation. À la lecture de ces résultats, une question s’impose. Ne serait-il pas temps de remettre à plat le système de la formation professionnelle, qui dépend de la compétence des Régions ?
C’est encore un triste exemple de la versatilité des élus locaux. L’École supérieure des métiers d’art (ESMA) d’Arras (Pas-de-Calais), reconnue unanimement par les professionnels, est en sursis. Si la mobilisation des 20 enseignants et des 81 élèves leur a permis d’éviter la fermeture dès juillet, l’avenir de leur école n’est pas pour autant assuré. La décision revient à la Communauté urbaine d’Arras (CUA), présidée par Jean-Marie Vanlerenberghe, sénateur maire (Union centriste) d’Arras, qui ne souhaite plus verser le 1,272 million d’euros de budget de l’ESMA (soit 1,7 % du budget de la CUA). Si la Région Nord - Pas-de-Calais a accepté de faire passer sa contribution de 100 000 à 250 000 euros, Jean-Marie Vanlerenberghe a confirmé vouloir plafonner sa participation à 500 000 euros à partir de 2010. Il justifie sa décision par le report sine die du ministère de la Culture – pour cause de révision générale des politiques publiques — de la décision d’habiliter les formations. Un plan de pérennisation devrait être discuté le 3 juillet à la CUA afin de trouver les 500 000 euros manquants.
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°285 du 4 juillet 2008, avec le titre suivant : Les formations sur la sellette