Branle-bas de combat Rue de Valois. Face à la grogne syndicale, le ministère temporise tout en maintenant le cap imposé par l’Élysée.
La mobilisation commence à prendre. Après une brève occupation de la direction des Musées de France (DMF) le 1er février, près de 500 agents se sont réunis sous les fenêtres de la Rue de Valois le 21 février, à l’appel de l’intersyndicale du ministère de la Culture. L’ouverture de plusieurs musées nationaux a par ailleurs été perturbée. Le motif de la grogne est simple : les personnels rejettent unanimement les projets de réforme tels qu’ils sont prévus dans le cadre de la RGPP (révision générale des politiques publiques) (lire le JdA no 272, 4 janv. 2008, p. 3). Ses grandes lignes, fruit d’un audit mené par l’inspecteur général des finances François Auvigne, ont été annoncées le 12 décembre 2007 à l’issue d’un premier conseil de modernisation des politiques publiques. Au ministère, désormais, de proposer des pistes pour la réorganisation de ses services. Huit groupes de travail et un comité de pilotage ont été mis en place sous la houlette de Francine Mariani-Ducray, directrice des Musées de France, qui peut s’appuyer sur les conseils du cabinet Capgemini, bénéficiaire d’un contrat global avec l’État dans le cadre de la RGPP. Reçus dans la foulée de leur manifestation par le directeur adjoint de cabinet de la ministre, Christophe Tardieu, les syndicats ont dénoncé une réponse dilatoire. « Les syndicats mobilisent sur des mesures qui n’existent pas encore », nous a déclaré ce dernier. La remise des conclusions de Francine Mariani-Ducray, prévue le 22 février, a néanmoins été repoussée à début mars. « Cette réforme est tellement importante que nous devons prendre le temps d’y travailler », a poursuivi Christophe Tardieu, précisant qu’une concertation avec les syndicats aurait lieu en mars, avant remise de la copie en avril. La décision finale appartiendra au Conseil de modernisation des politiques publiques, qui se réunira à la mi-avril.
Plus que trois directions
Dans une lettre adressée aux personnels le 19 février, Christine Albanel a confirmé la réorganisation de l’administration centrale en trois directions : « patrimoine », « création », « économie de la culture et démocratisation culturelle », en lieu et place des dix existant actuellement. Celles-ci correspondraient à la nomenclature de la LOLF (loi organique relative aux lois de finances), mais pourraient poser problème pour certains secteurs. Ainsi de l’architecture, pour laquelle on ne sait si elle sera affectée au patrimoine ou à la création – cette seconde piste a la préférence de la Rue de Valois –, mais aussi du pôle enseignement (écoles d’art et écoles d’architecture), qui pourrait être intégré à l’Éducation nationale. Le ministère de la Culture s’y oppose avec fermeté, esquissant l’idée d’une direction spécifique ou d’une fusion avec la création. Le champ muséal devrait être aussi profondément affecté par ces changements (lire ci-contre). Dans tous les cas, cette réforme laisse la voie ouverte à une nouvelle montée en puissance des établissements publics, déjà constitués en véritables baronnies. Chacun ourdit en coulisse pour augmenter son périmètre. Certains pourraient devenir de véritables agents opérateurs de l’État, tel le Centre national des arts plastiques, autonome depuis 2004 et qui a déjà dépouillé d’une partie de ses prérogatives la délégation aux Arts plastiques. En ce qui concerne les administrations déconcentrées, les services départementaux de l’architecture et du patrimoine (SDAP) seraient à nouveau menacés par une intégration dans les préfectures (lire le JdA no 221, 23 sept. 2005, p. 3), alors que les directions régionales des Affaires culturelles (DRAC), auxquelles les collectivités locales ont manifesté leur attachement (lire le JdA no 275, 15 fév. 2008, p. 5), seraient préservées. « Nous nous acheminons vers une administration rabougrie avec des services structurants externalisés ou transformés en insularités », déplore Nicolas Monquaut, secrétaire général de la CGT-Culture.
Les syndicats, qui dénoncent une absence de concertation, s’alarment des conséquences en termes d’emplois pour les 23 000 agents du ministère, dont seuls 9 000 (39 %) sont des fonctionnaires titulaires, et parlent d’un véritable « plan social ». Certains métiers pourraient être particulièrement touchés par le non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux partant à la retraite : inspecteurs, agents d’accueil et de sécurité, métiers d’art. La situation est pourtant déjà tendue de longue date, certains chefs d’établissement dénonçant le gel des recrutements lancé il y a six mois, qui concerne également les vacataires et laisse de nombreux postes vacants. « Il est regrettable que toutes les réformes de ce ministère n’aient jamais été anticipées mais toujours subies », souligne un observateur. Le cabinet de la ministre semble en effet avoir toutes les difficultés du monde à mettre en forme des préconisations émanant directement de l’Élysée. Selon plusieurs sources, les services du ministère seraient en ébullition, assaillis par les demandes de notes internes. Pour des résultats parfois déconcertants. « Les auditeurs de la mission Auvigne ont été stupéfaits par la qualité des personnels, témoigne le directeur d’un établissement public. Ils ne pensaient pas que nous étions capables de bien gérer nos établissements ! »
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Vers une mue brutale
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°276 du 29 février 2008, avec le titre suivant : Vers une mue brutale