FONTAINEBLEAU
Le Festival d’histoire de l’art réunit les spécialistes et les passionnés au château de Fontainebleau. Sa directrice livre un avant-goût des thèmes abordés.
Lorsque le sujet a été donné au comité scientifique, certains se sont demandé ce qu’on allait pouvoir en faire ! On s’est en fait rendu compte que c’était une chance : dès le début, nous avons abordé le sport comme une culture visuelle très forte qui ne se limite pas aux beaux-arts. Le sujet du sport permet de dépasser ce clivage, et montre que la frontière entre culture visuelle et beaux-arts n’est pas bien épaisse. Cela se traduit dans la programmation par des conférences et débats sur les lieux du sport par exemple, par un beau programme de cinéma, avec une attention particulière sur le langage visuel utilisé. On va davantage parler de la manière dont on représente le sport, plus que du sujet en soi. L’autre grande question sera l’utilisation du sport, à des fins de propagande ou autre ; nous aurons des projections commentées, et une jeune chercheuse, Sara Vitacca, parlera du lien entre sport et fascisme. Les sujets de société, comme les troubles de genre ou la perception du corps seront aussi évoqués : beaucoup de stéréotypes circulent sur le sport, mais à bien regarder les images, ils s’avèrent souvent dépassés.
Dès mon arrivée, cela a été ma mission principale, élargir la focale d’une histoire de l’art encore très ancrée dans des traditions antiquisantes. On me demande souvent quand est-ce que l’Italie va être réinvitée, et ma réponse c’est que nous avons encore énormément de pays à mettre en lumière ! Vingt-trois collègues mexicains sont invités, c’est un investissement pour le Festival, mais j’en suis fière : il faut trouver les moyens de les faire venir, d’entendre leurs voix et ne pas parler à leur place. Plus que le Japon [pays invité en 2021], le Mexique permet de montrer qu’il y a une histoire de l’art mondiale, connectée, à travers des dynamiques de dominations d’une culture sur l’autre, et de métissage. Par exemple, le directeur du Musée du textile d’Oaxaca sera présent pour parler de sa très belle collection, où l’on voit aussi bien la survivance de l’artisanat indigène que l’adaptation de la mode parisienne.
Je suis plus prudente cette année, la mission du festival est de représenter la communauté des historiens de l’art en entier ; nous incluons des appels à projet sur l’actualité du patrimoine et de la recherche, je me suis rendu compte que c’est important. Mais ces commentaires sur l’édition 2023 m’ont un peu blessée. L’année dernière, nous avions des conférences importantes sur Rubens, sur le retable de Van Eyck et sa restauration… et c’est comme si tout ce pan de la programmation était mis de côté pour extraire une conférence sur le militantisme. Ce sont des sujets dont on doit parler, ça ne veut pas forcément dire qu’on les soutient. Il faut être critique, pas dogmatique. L’histoire de l’art doit oser poser des questions, si l’on se limite à des problématiques de styles ou de formes, la discipline risque de se refermer sur elle-même.
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Veerle Thielemans : « Il faut être critique, pas dogmatique : L’histoire de l’art doit oser poser des questions »
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°775 du 1 mai 2024, avec le titre suivant : Veerle Thielemans : « Il faut être critique, pas dogmatique : L’histoire de l’art doit oser poser des questions »