Secteur historique de la Biennale, le mobilier du XVIIIe”¯siècle entretient un marché actif dans le très haut de gamme.
Les antiquaires spécialistes du mobilier du XVIIIe siècle sont lassés d’entendre dire que leurs meubles ne sont plus dans l’air du temps. « Il ne faut pas faire d’amalgame. Il existe deux sortes de mobilier XVIIIe, explique Laurent Kraemer. Le mobilier courant, autrefois prisé de la bonne bourgeoisie, pour lequel il n’y a plus à présent de demande et dont les prix se sont donc effondrés. Et le mobilier réalisé en son temps pour la grande noblesse, lequel a donné lieu à des œuvres d’art d’exception pour lesquelles l’intérêt est croissant. Depuis toujours, nous ne proposons que des pièces de cette seconde catégorie. » La maison Kraemer montre à la Biennale une exposition monographique de meubles exécutés par l’ébéniste du roi, Jean-Henri Riesener. Anne-Marie Monin, autre marchand parisien passionné par les plus belles créations du siècle des Lumières, apprécie aussi l’excellence du travail de Riesener. Ayant récemment acquis une commode de l’ébéniste « d’une qualité parfaite. Très architecturée et à l’esthétique sobre, elle était un chef-d’œuvre d’équilibre, sans rien avoir de tape-à-l’œil, ni dans les chutes en bronze doré, ni dans les entrées de serrure. Indémodable ». Le meuble exposé dans la vitrine de sa galerie du 27 quai Voltaire a été rapidement repéré et emporté par un collectionneur d’art moderne effectuant son premier achat d’une pièce du XVIIIe siècle. À la Biennale, Anne-Marie Monin compte faire mouche avec une sélection de meubles d’époque de très haute qualité, tel un ravissant petit bureau de pente par Pierre IV Migeon, à décor or de chinoiseries sur fond bleu cyan, en vernis Martin. Pour l’antiquaire François Léage, « la bonne nouvelle dans mon métier est que le mobilier du XVIIIe siècle n’est plus soumis à la spéculation. Les gens achètent parce qu’ils aiment la beauté des meubles et non pas parce que cela fait bien d’en avoir ». Quand on demande à l’antiquaire quelles valeurs sûres sont susceptibles de plaire au plus grand nombre, trois noms d’ébénistes dont les créations ont trouvé place dans les plus grands musées du monde, lui viennent à l’esprit : Jean-François Œben, Jean-Henri Riesener et Martin Carlin. De ce dernier, il présente à la Biennale deux rares meubles : une rare petite commode en marqueterie à décor de treillage en losanges, ornée de bronzes ciselés et dorés, ainsi qu’une petite table de forme ronde à deux plateaux (ci-contre) dont un exemplaire similaire se trouvent au Victoria et Albert Museum de Londres.
Charme et sensualité
Aucun style ne domine le marché du mobilier XVIIIe. Qu’il soit d’époque Louis XIV, Régence, Louis XV, Louis XVI ou Transition, seule la qualité prime. « Lorsqu’on choisit du mobilier XVIIIe de très grande qualité, on peut aisément mélanger les époques, ce qui n’est pas possible pour des meubles de qualité moyenne », avance le marchand Olivier Delvaille. Les critères à retenir pour un meuble d’exception sont l’authenticité, la rareté, la beauté, la qualité d’exécution et éventuellement sa provenance prestigieuse. « Il ne faut pas oublier le charme, insiste Laurent Kraemer. Car il existe des meubles qui ont tous les critères requis, mais dont on n’a pas envie, parce qu’ils sont dénués de charme. » Par charme, il faut entendre de très belles proportions ou la manière dont les moulures accrochent la lumière. « On peut parler de sensualité d’un meuble », note l’antiquaire. Anne-Marie Monin s’attache aussi aux meubles ayant « une personnalité qui les fait sortir de l’ordinaire ». Le marchand Benjamin Steinitz aime montrer à la Biennale des créations baroques d’époque Louis XV, au plus fort de leur exubérance, « parce qu’il n’y a rien de plus ennuyeux qu’un meuble meublant ». Toujours à la Biennale, Olivier Delvaille espère attirer l’œil d’un amateur sur une commode Régence estampillée Louis Delaitre. « C’est une commode qui a conservé la puissance du mobilier Louis XIV et en même temps, l’on sent poindre le galbe du Louis XV », apprécie l’antiquaire qui souligne encore la présence de « bronzes exceptionnels, dorés au mercure et conservés dans leur état d’origine, ce qui est rare ». Et pour ne pas enfermer ces joyaux dans une époque qui restreindrait leur clientèle, les antiquaires en mobilier du XVIIIe siècle soignent leur présentation à la Biennale. Accueillant déjà des sculptures de l’artiste italien Arnaldo Pomodoro, François Léage a fait poser sur son stand des panneaux en acier brossé et un parquet à la finition métallique pour une plus grande touche de modernité. Benjamin Steinitz ose à son habitude les mélanges XVIIe,, XVIIIe, XIXe siècles les plus audacieux. Anne-Marie Monin le fait également, mais de façon plus épurée, et en introduisant des œuvres d’art moderne et contemporain. Afin de mettre en retrait leur aspect utilitaire et les présenter comme de véritables objets d’art, Olivier Delvaille a suspendu quelques meubles au-dessus du sol de son stand, en se gardant bien d’y poser aucun objet.
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Tête haute pour le mobilier XVIIIe
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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°374 du 7 septembre 2012, avec le titre suivant : Tête haute pour le mobilier XVIIIe