En intervenant pour empêcher la vente de pièces litigieuses d’arts premiers chez Tajan, plusieurs experts parisiens posent le problème de l’expertise.
PARIS - « C’est une honte pour la maison Tajan », commentait un professionnel venu en observateur le 19 février à l’espace Tajan, à Paris, à l’occasion de la vente d’arts premiers qui s’y tenait. Cette vacation de prestige, préparée avec l’assistance de l’expert Hervé Naudy, devait être, pour la maison de ventes, le coup d’envoi du retour de Tajan dans ce domaine (lire le JdA no 275, 15 février 2008, p. 24). Un scénario qui a tourné au cauchemar. « La consultation du catalogue nous a interloqués », rapportent quatre marchands et experts parisiens (Bernard Dulon, Philippe Ratton, Christine Valluet pour les arts tribaux, et Jacques Blazy pour l’art précolombien) dans une lettre datée du 15 février 2008 et adressée au président du Syndicat national des antiquaires (SNA). Ceux-ci indiquent que de nombreux collectionneurs leur ont demandé leur avis sur l’authenticité des pièces proposées. Ils les ont donc examinées sur place au moment de leur exposition. Dans leur courrier, sur les 326 pièces composant au total la vente, ils en recensent près de quatre-vingts, qu’ils décrivent comme « fausse », « reconstituée », « reconstruite », « copie récente », « copie grossière », « objet touristique », « invention contemporaine » ou « style très tardif », des mentions souvent accompagnées du commentaire « estimation trompeuse » ou « estimation fantaisiste ». « Nous ne pouvons que souligner la gravité de cette situation dans laquelle entre en jeu non seulement la notion d’authenticité, mais aussi la valeur estimée de chaque lot qui doit être conforme au prix du marché et en relation avec la qualité de l’œuvre, concluent-ils. La tromperie peut en effet se manifester sous la forme d’une surestimation considérable de la valeur d’une pièce, qui, accompagnée de commentaires flatteurs ou prétendument historiques, ne peut qu’induire en erreur l’acquéreur éventuel. À défaut de législation en la matière, cette vente pose à nouveau le problème crucial du titre d’expert. » Les intéressés ont demandé au président du SNA de porter leurs observations auprès du Conseil des ventes volontaires (CVV), ce qui a été fait le jour même. La vente n’a pas été stoppée mais une enquête a été ouverte par le commissaire du gouvernement, Michel Seurin.
Également informée de cette missive le 15 février, la maison Tajan a retiré, à titre préventif et sans avoir consulté son expert, sept des lots incriminés ; et, dans un même rectificatif distribué avant la vente, a annoncé plusieurs modifications de provenance des lots, notamment sur des pièces importantes tel le masque Yupi’k inuit (Alaska) reproduit en couverture de catalogue, estimé 180 000 à 220 000 euros. Les résultats ont été catastrophiques : moins de 20 % de lots auraient été vendus (1). Sans savoir pour l’instant si les attaques orchestrées contre sa vente sont fondées ou de nature calomnieuse, et s’il faut qu’elle poursuive en justice les professionnels parisiens pour de prétendus actes de concurrence déloyale par dénigrement ou bien son expert pour escroquerie, la société Tajan attend les conclusions de l’enquête du CVV et du commissaire du gouvernement.
(1) Au 25 février, la maison de ventes refusait toujours de communiquer les résultats complets de la vente.
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Tajan : polémique sur la vente d'arts premiers
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°276 du 29 février 2008, avec le titre suivant : Tajan : polémique sur la vente d'arts premiers