Accusée par la justice italienne d’avoir pris part à un vaste réseau de trafic international d’antiquités, l’ancienne conservatrice du Getty Museum de Los Angeles Marion True a finalement bénéficié d’une relaxe. Selon le Code de procédure pénale italien, les faits sont en effet prescrits depuis le mois de juillet 2010. Ce procès représente un cap dans la lutte du trafic des biens archéologiques.
ROME - L’affaire est finie pour elle. Marion True, ancienne conservatrice en chef du département des antiquités du Getty Museum à Los Angeles, vient d’obtenir une relaxe après avoir été accusée par la justice italienne d’avoir participé à un vaste réseau de trafic illégal. Elle avait notamment acquis pour le compte du musée américain, et en toute connaissance de cause, des antiquités issues de pillages. Après cinq années de procédures, le procès qui s’est tenu devant la sixième section du tribunal pénal de Rome s’est achevé le 13 octobre sur une prescription des faits. Deux semaines auparavant, le président de la cour, Gustavo Barbarinaldo, avait reçu des avocats de la défense un épais « mémoire » auquel ni le substitut du procureur, Eugenio Albamonte, ni les parties civiles n’ont pu s’opposer. Les arguments du document étaient sans appel : le délit de recel était prescrit depuis trois ans, soit mars 2007, tandis que l’association de malfaiteurs a été prescrite le 11 juillet dernier. Gustavo Barbarinaldo et deux juges se sont brièvement réunis dans la chambre du conseil, avant de prononcer la prescription des faits conformément à l’article 129 du Code de procédure pénale, plus connue sous l’appellation de « loi ex-Cirielli », adoptée en 2005 par le précédent gouvernement Berlusconi. Pour le marchand américain Robert Hecht, en revanche, le procès se poursuit. Il est accusé d’être le chef et promoteur de cette association de malfaiteurs, raison pour laquelle la période de prescription est plus longue – le délai arrive à terme en juillet 2011, d’après les calculs de son avocat Alessandro Vannucci. Ce dernier nous a confié qu’il allait poursuivre pour la forme, ajoutant que l’aventure aura été pour lui, « tant sur le plan juridique que culturel, le plus beau procès en quarante-deux ans de carrière ».
Du pilleur de tombes au grand musée
Ce procès représente un cap important dans la lutte contre le commerce illégal des biens archéologiques. Mais, mis à part dans [notre partenaire éditorial] le Giornale dell’arte et les articles de Fabio Isman publiés dans le quotidien Il Messaggero, il a été traité avec négligence par la presse italienne. L’affaire a pourtant mis au jour un trafic clandestin de chefs-d’œuvre antiques destinés aux musées étrangers, et démantelé un véritable « système » qui, du pilleur de tombes au grand musée, profitait de la complaisance, pour ne pas dire de la complicité, des maisons de ventes, des intermédiaires et des collectionneurs. Aujourd’hui, grâce notamment à l’engagement politique de certains ministres des Biens et Activités culturels italiens, d’importantes restitutions ont été obtenues, parmi lesquelles la Vénus de Morgantina, que le Getty Museum doit rendre à la Sicile en 2011. La mise à nu des mécanismes qui, pendant trente ans, ont enrichi de pièces illégales les collections de musées américains de prestige (entre autres institutions), et les accords bi- ou multilatéraux entres les pays pour des collaborations et des contrôles plus sévères, sont parvenus à circonscrire un phénomène qui a dévasté des régions entières d’Italie des décennies durant. Avec l’abandon de charges contre Marion True et la prochaine prescription des faits pour Robert Hecht, le procès perd de fait en intérêt. Le marchand italien Giacomo Medici, le troisième larron accusé d’association de malfaiteurs et condamné à de lourdes peines en première et en seconde instance, pourrait rester incarcéré jusqu’en 2014. En effet, la Cour de cassation a, le 5 octobre, suspendu son jugement et remis les attendus du procès à la Cour constitutionnelle, afin que celle-ci se prononce sur l’applicabilité de la « loi ex-Cirielli » sur la base d’un arrêt de la Cour européenne.
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Surprise dans le procès Marion True
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°333 du 22 octobre 2010, avec le titre suivant : Surprise dans le procès Marion True