En 2008, les foires anciennes, arquées sur les valeurs sûres, ont mieux résisté à la crise. Une donne qui se confirmera sans doute en 2009.
En 2008, les salons ont joué une partition plus proche de la petite musique de chambre que de la symphonie fantastique. Il fut ainsi difficile de parler de flop intégral, non plus que de réussite incontestable, tant les résultats se sont révélés mitigés selon les exposants. Malgré un commerce hétérogène, quelques constantes se sont dégagées : une dilatation des transactions – les acheteurs ayant l’annulation plus facile que le réflexe de la gâchette – et un repli sur les œuvres inférieures à 100 000 dollars (env. 73 500 euros). Au second semestre, la donne fut encore plus claire, avec un recentrage sur les valeurs sûres et des remises allant de 15 % à 20 %.
Si les manifestations les plus solides comme Tefaf à Maastricht, Art Basel à Bâle et même la Biennale des antiquaires à Paris n’ont pas vacillé en dépit d’un marché au ralenti, les foires émergentes comme Art Dubaï, ShContemporary (Shanghaï), Moscow World Fine Art Fair (Moscou) ou Art Paris Abou Dhabi ont pâti du manque de maturité des différents marchés locaux. La famille régnante d’Abou Dhabi a faiblement acheté sur Art Paris Abou Dhabi et s’est recroquevillée sur les artistes du Moyen-Orient, signe que la mondialisation n’a pas nécessairement raison des tropismes régionaux. Une frilosité qui pourrait s’expliquer par la chute du cours du baril de pétrole, passé de 140 à 40 dollars. De quoi refroidir tout producteur d’or noir ! La Bourse de Shanghaï ayant perdu en septembre plus de 60 % de sa valeur par rapport à 2007, les Chinois avaient quant à eux d’autres chats à fouetter que de dépenser leurs deniers sur ShContemporary. La concurrence parasite d’une foire locale, le faible intérêt du pays pour l’art contemporain, et l’effondrement à partir d’octobre des prix affichés par les stars chinoises pourraient d’ailleurs compromettre l’avenir de ShContemporary. « Je ne crois pas qu’il soit possible de faire une foire qui marche en Chine en 2009. La meilleure chose serait de la reporter en 2010 au moment de l’Exposition universelle», estime l’ancien directeur du salon, Lorenzo Rudolf (lire p. 26).
Clientèle « old money »
Dans un climat hasardeux, seuls les poids lourds incontournables ou les niches dénuées de concurrence, à l’image du Salon du dessin (Paris) ou de Paris Photo, pourront tirer leur épingle du jeu en 2009. Les foires de demi-saison du premier semestre, comme l’Armory Show (New York), Art Paris ou Art Brussels risquent de pâtir de l’attentisme des acheteurs, lesquels naviguent aujourd’hui à vue. Certaines enseignes comme la Galerie 1900-2000 et Di Meo (Paris) ont quitté Art Paris. Des spasmes sont tout aussi prévisibles pour les événements comme l’ARCO à Madrid et la souffreteuse Art Cologne. Mais les États-Unis étant pour l’heure ankylosés, les galeries américaines auront tendance à se bousculer au portillon des foires européennes, espérant capter la clientèle old money du Vieux Continent.
En rejoignant massivement la Foire internationale d’art contemporain (FIAC) en octobre, ces enseignes américaines ont modifié les jeux de pouvoir entre le salon parisien et Frieze Art Fair à Londres. « La FIAC s’inscrit sur des valeurs, un rythme, des codes qui ne sont pas ceux de la flamboyance ou de la frénésie, souligne Martin Bethenod, co-commissaire du salon. En période d’euphorie, c’est moins attirant ; ça l’est davantage dans des périodes plus troublées. Tout miser sur un message peut lasser. Paris peut proposer un registre de valeurs plus large. » En confondant jeunisme et avant-garde au point de refuser certains poids lourds new-yorkais comme Sean Kelley, Frieze a creusé son trou. À trop avoir asséné le diktat de la branchitude, la foire peut difficilement faire machine arrière… C’est pourtant le pari de l’Armory Show, laquelle élargit son spectre en ouvrant une section dédiée à l’art moderne. Sa liste en la matière n’est toutefois guère alléchante… Ce curseur sera mis simultanément sur la rétrospective et la prospective dès juin dans la section « Art premiere » d’Art Basel où des revivals de Wallace Berman, Gino de Dominicis ou Eugène Leroy sont prévus.
En retrouvant en 2009 son créneau habituel de la fin du mois de septembre, Art Forum Berlin pourrait se ressaisir, d’autant plus que la nouvelle direction assurée par Peter Vetsch et Eva-Maria Haüsler est appréciée par les enseignes berlinoises. Reste une inconnue, l’avenir d’Artissima (Turin). Selon nos informations, Andrea Bellini pourrait quitter la foire pour remplacer Ida Gianelli à la tête du Musée d’art contemporain Castello di Rivoli… L’intéressé s’abstient de tout commentaire.
Une chose est sûre toutefois, la crise ne mettra pas fin aux salons. « Les foires résisteront mieux que certaines galeries prises individuellement, observe Henri Jobbé-Duval, codirecteur d’Art Paris. On verra plus de galeries fermer que de salons disparaître. »
Rien ne va plus… : on annule ! Laurent Godin (Paris) est revenu en décembre sur sa participation à l’ARCO (Madrid), foire qui a connu vingt désistements cette année, tandis que Jérôme de Noirmont (Paris) s’est retiré d’Art Dubaï. L’Armory Show (New York) a, elle, subi une hémorragie avec les départs de Friedrich Petzel (New York), Blum & Poe (Los Angeles) ou Eva Presenhuber (Zurich). Le remède à ces annulations ne serait-il pas de réduire les prix ? Pour l’heure, les foires n’entendent pas bouger leurs tarifs d’un iota. « Nos prestations offrent un très bon rapport qualité-prix et nous ne comptons pas changer les prix fixés pour Art Basel en août dernier », indique Marc Spiegler, codirecteur du salon. Même son de cloche du côté d’Artissima (Turin). « Avec 220 euros le mètre carré, nous sommes l’une des foires les moins coûteuses. Les galeristes étrangères séjournent gratuitement à l’hôtel et ont le transport gratuit si leurs œuvres sont sélectionnées pour la section “Constellations”? », plaide Andrea Bellini. Seul le Pavillon des arts et du design (Paris) a choisi de réduire symboliquement ses tarifs, passant de 550 à 500 euros le mètre carré. « A priori, cela ne semble pas beaucoup, mais quand on commercialise 2 616 m2, cela suppose pour nous une perte de 130 000 euros », indique Patrick Perrin, directeur du salon. Les organisateurs de salon peuvent faire preuve de moins de souplesse si les gestionnaires des sites, tel le Grand Palais, ne consentent pas de leur côté à un geste de solidarité. Alors que ce dernier a plutôt tendance à augmenter ses tarifs…
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°295 du 23 janvier 2009, avec le titre suivant : « Stand-by »