Les demandes de restitutions d’objets par leurs pays d’origine se font de plus en plus pressantes. Si l’identification des trafics facilite l’opération, les anciennes querelles sont au point mort.
Le 21 décembre 2007 s’ouvrait l’exposition « Nostoi. Capolavori ritrovati » au Palazzo del Quirinale à Rome, marquant le retour de 69 chefs-d’œuvre archéologiques en Italie. À l’origine de cette célébration, la bataille acharnée menée par les autorités italiennes face au Boston Museum of Fine Arts, au Metropolitan Museum of Art à New York, au J. Paul Getty Museum de Malibu et au Princeton University Art Museum. Grâce aux procès mettant en cause l’antiquaire italien Giacomo Medici, le marchand britannique Robin Symes et la conservatrice des antiquités du Musée Getty, Marion True, l’Italie a réuni des preuves qui ont conduit à la restitution de pièces archéologiques excavées illégalement et revendues à l’étranger – dont le Cratère d’Euphronios, acheté 1 million de dollars par le Metropolitan en 1972, et la Venus Morgantina du Getty. « Ici s’achève l’odyssée de biens déterrés la nuit, réduits à des beautés sans âme et sans histoire et transférés à l’étranger », commentait Francesco Rutelli, ministre italien de la Culture.
La Grèce, le Guatemala, le Salvador, le Pérou, la Turquie, la Chine et le Cambodge sont parmi les pays réclamant leurs biens à l’étranger, mais l’Italie a mis les bouchées doubles après des années de laisser-aller. En février, elle démantelait un vaste réseau de trafiquants européens, débouchant sur la mise en examen de trente et une personnes, dont un magnat parisien de l’édition. L’opération « Ulysse », menée par l’Inspection générale des finances italienne, a permis de retrouver un millier de pièces dont plus de 400 de valeur inestimable. En janvier, Shelby White, membre du conseil et mécène du Metropolitan Museum of Art, rendait à l’Italie une dizaine d’objets archéologiques grecs et étrusques. Les dons de mécènes tels Shelby White, Barbara et Lawrence Fleischman ou encore Maurice Tempelsman figurent en nombre à l’exposition « Nostoi », mais c’est la première fois qu’un philanthrope s’exécute à titre privé, sans rien obtenir en échange. La France ne devrait pas échapper à ces inspections, mais les collectionneurs et les musées américains sont des cibles faciles car leur méthode d’acquisition est plus agressive, et leurs collections sont plus récentes. Actuellement en rapport avec des musées asiatiques et européens, Francesco Rutelli a promis une année « pleine de surprises ».
Raid d’agents fédéraux
Si les lois de protection du patrimoine sont anciennes, leur application scrupuleuse est un phénomène récent. Suite au raid, en janvier, dans quatre musées californiens d’agents fédéraux dans le cadre d’une enquête fiscale, les musées américains passent au crible les dons d’objets Ban Chiang, la plus ancienne culture de l’âge de bronze d’Asie du Sud-Est découverte en 1966 – la loi thaïlandaise contrôlant l’exportation de biens culturels date de 1961. Ces affaires relèvent du trafic illégal récent, mais ne concernent pas les biens culturels « obtenus » sous l’ère coloniale, ou en guise de butin de guerre. Si les restitutions d’œuvres spoliées aux victimes de la Seconde Guerre mondiale ont été la grande affaire de la fin du XXe siècle, le XXIe siècle pourrait voir la profonde remise en question des grands musées internationaux, autoproclamés « musées universels » et aujourd’hui sommés de rendre des comptes. Une nouvelle querelle oppose ainsi les Anciens – qui considèrent les antiquités en tant qu’œuvres d’art universelles – et les Modernes – qui plaident pour une approche historique et ethnographique.
Prétextant de l’incapacité de la Grèce à offrir de bonnes conditions de conservation aux frises du Parthénon entrées dans les collections du British Museum en 1816 par l’intermédiaire de Lord Elgin, son directeur Neil MacGregor se retrouve aujourd’hui totalement désarmé face au Nouveau Musée de l’Acropole, à Athènes (lire p. 18). Que dire du Secrétaire général du Conseil suprême des Antiquités égyptiennes, Zahi Hawass, qui plaide, quant à lui, pour le retour de la Pierre de Rosette (British Museum, Londres), du buste de Nefertiti (Altes Museum, Berlin), et du Zodiaque du temple de Denderah (Musée du Louvre) ! L’immobilisme de Neil MacGregor joue aujourd’hui le rôle de clé de voûte d’un édifice en pleine mutation, qui menace de s’effondrer. Confiant, le nouveau Musée de l’Acropole maintient son cap et accueille même le 18 mars un colloque international sur le « Retour des biens culturels dans leurs pays d’origine », organisé en partenariat avec le ministère grec de la Culture et l’Unesco.
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Sommations de retour
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°277 du 14 mars 2008, avec le titre suivant : Sommations de retour