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Protéger le patrimoine

Par Jean-Christophe Castelain · Le Journal des Arts

Le 24 novembre 2015 - 853 mots

PARIS

François Hollande a annoncé à l’Unesco plusieurs des 50 propositions rédigées par Jean-Luc Martinez.

Dans la perspective de son discours pour la 38e session de la Conférence générale de l’Unesco, François Hollande avait demandé en juin dernier à Jean-Luc Martinez, président-directeur du Musée du Louvre de formuler des propositions pour protéger le patrimoine de l’humanité en général et le patrimoine syrien et irakien en particulier. Malgré les attentats, le président de la République a maintenu son intervention le 17 novembre et en a profité pour remercier « tous les gestes d’amitié qui nous sont venus du monde entier », citant les monuments illuminés aux couleurs du drapeau français. Il lui fallait aussi faire entendre la voix légitime de la France parmi les multiples initiatives prises après les destructions de Palmyre.

L’Italie avait ainsi annoncé fièrement en octobre dernier que sa proposition d’envoyer des Casques bleus pour protéger les sites patrimoniaux attaqués par les islamistes (sans expliquer au demeurant comment procéder)  avait été retenue par l’Unesco. Quelques jours auparavant l’association des musées nord-américains actait le concept de « musée-refuge », permettant à un musée membre de cette association de transférer provisoirement ses œuvres à un autre musée membre, le temps que ses conditions de sécurité soient améliorées. C’est précisément ce concept de droit d’asile pour les biens culturels que le président « a soumis » à l’Unesco. Cette disposition figure en réalité dans la Loi relative à la liberté de création, à l’architecture et au patrimoine (LCAP), votée en première lecture à l’Assemblée nationale le 6 octobre. Introduite par un amendement en commission, elle permet à un État qui le demande, d’envoyer en France en dépôt des biens culturels menacés. Plus tard en séance publique, les députés ont accepté un autre amendement qui autorise la France à accueillir ces biens « après une résolution du Conseil de sécurité des Nations Unies prise en ce sens ».

Lutte contre le trafic illégal
Le président a « soumis » à l’Unesco une autre disposition qui figure aussi dans la LCAP et qui renforce le contrôle douanier pour les biens sortis illicitement de leur pays. La lutte contre le trafic illégal, l’un des cinq axes du rapport Martinez, est aussi celui qui comporte le plus de propositions. La plupart sont plus ou moins mises en œuvre, mais le rapport préconise un changement d’échelle : documenter le plus grand nombre de biens culturels, poster sur une base unique ceux qui ont été volés, mettre la photo des objets sur le livre de police des marchands, renforcer Tracfin, publier la liste noire des « paradis du recel ». Le président a fait allusion à ces derniers sans proposer de les rendre publics.

Les propositions de l’ancien directeur des antiquités grecques, étrusques et romaines du Louvre concernant le devenir des sites menacés étaient les plus attendues. Ses dix mesures ne sont pas inédites, mais relèvent du bon sens : conserver le plus possible la mémoire des bâtiments détruits ou menacées, accueillir du personnel scientifique syrien ou irakien en France (la Grande-Bretagne vient de débloquer 3 millions de livres), numériser les sites, rendre accessible au plus grand nombre les vues en 3D, proposer l’expertise française pour établir des plans d’évacuation d’urgence des œuvres des musées, répartir entre les pays des programmes de « renaissance » des sites, la France étant candidate pour prendre en charge Palmyre. Le consensuel François Hollande s’est bien gardé d’y faire allusion à l’Unesco, préférant appeler à la générosité de tous pour constituer un fonds de dotation dédié à la sauvegarde ou la reconstruction du patrimoine (9e proposition).

En revanche François Hollande n’a pas repris la proposition n° 2 de Jean-Luc Martinez, qui recommande que la France ratifie enfin le second protocole de la Convention de La Haye (1999), alors qu’elle a ratifié les principaux traités internationaux en la matière. « Cette ratification permettrait non seulement de renforcer la position de la France dans les instances institutionnelles internationales, mais aussi d’encourager d’autres États à la ratification universelle et à la mise en œuvre des instruments juridiques existants », écrit le patron du Louvre.

Si toutes les propositions, en raison de leur caractère administratif exclusivement français n’avaient pas vocation à être annoncées à l’Unesco, on suivra avec intérêt leur devenir tel que la création d’un comité interministériel de protection du patrimoine pour coordonner les initiatives françaises, un comité qui irait comme un gant à Henri Loyrette, l’ancien président du Louvre.

Tracfin : des pouvoirs plus étendus

Michel Sapin a annoncé lundi 23 novembre une série de mesures destinées à renforcer la lutte contre le financement du terrorisme. Le service chargé du renseignement financier (Tracfin) pourra dorénavant consulter le fichier des personnes recherchées (FPR) dont ses fameuses fiches « S » et accéder au fichier de traitement d’antécédents judiciaires (TAJ) pour d’autres enquêtes que celles relatives à la lutte contre le terrorisme. Tracfin pourra également « désigner aux établissements bancaires des situations justifiant l’adoption de mesures de vigilance renforcées ». En septembre dernier, le seuil de paiement en espèces avait été baissé à 1 000 €. Le Gouvernement compte aussi mieux encadrer les cartes prépayées, sans donner de précisions.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°446 du 27 novembre 2015, avec le titre suivant : Protéger le patrimoine

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