Le commissaire général du Festival Normandie impressionniste explique pourquoi cette peinture fascine toujours le public mais aussi les artistes contemporains.
Les impressionnistes, qui provoquèrent le scandale, suscitent aujourd’hui un engouement considérable. D’où vient cette passion ?
Ces artistes étaient absolument modernes, à leur époque. Après le Second Empire, avec la IIIe République, ils fondent le premier mouvement laïc et républicain. Les impressionnistes sont en osmose avec la nouvelle situation politique de la France : ils ne peignent quasiment pas de tableaux religieux. Ils ne représentent pas non plus de scènes mythologiques, et ne célèbrent pas par leur peinture de faits historiques glorieux. Leur art est en phase avec le monde qui les entoure. À mon avis, les impressionnistes suscitent un tel engouement aujourd’hui parce qu’ils étaient pionniers, contemporains, au sens le plus puissant du terme ! De plus, il me semble que leur intérêt pour la nature résonne profondément avec celui de notre époque…
Nourrissent-ils encore la création contemporaine ?
Bien sûr. En 1874, quand ces artistes méconnus se regroupent pour exposer dans l’atelier de Nadar, ce qu’ils montrent est « autre ». Ils ne sont pas acceptés au Salon, passage obligé pour faire carrière. C’est pourquoi ils décident de faire bande à part. Ils constituent alors une Société coopérative – l’équivalent aujourd’hui d’une association. C’est le premier groupe d’artistes, le premier collectif. Or aujourd’hui, les artistes contemporains parlent beaucoup de « collectifs », ignorant sans doute leur dette envers ces jeunes artistes de 1874 ! Autre exemple ? La démarche de la série, très présente dans l’art contemporain, a été portée par les impressionnistes, et plus particulièrement Claude Monet.
Est-ce en raison d’une proximité avec artistes d’aujourd’hui que le Festival Normandie impressionniste accorde une large part à l’art contemporain ?
Sans doute. Le mandat de commissaire général du festival qui m’a été confié en 2020 était adossé au fait que je viens du monde de l’art contemporain, en même temps que de l’impressionnisme. Sa programmation est pensée dans l’esprit d’invention qu’ont eu les impressionnistes. Par exemple, si les éléments de technologie contemporaine sont assez présents dans le Festival, c’est parce qu’en 1874, les impressionnistes mettent en œuvre des innovations techniques qui sont la conséquence de la théorie de Chevreul : les peintres ne mélangent pas les couleurs sur la palette, mais juxtaposent des tons sur la toile.
Les expositions historiques dialoguent ainsi avec des démarches contemporaines dans toute la région. à Rouen, Whistler s’invite au Musée des beaux-arts, tandis que Bob Wilson va créer une projection mapping pour la cathédrale de Rouen. Au Havre et à Giverny des expositions mettent en lumière les relations entre les impressionnistes et la photographie, tandis qu’à Varengeville, les photographies grattées de Raphaëlle Peira, jeune artiste d’une trentaine d’années (comme les impressionnistes en 1874 !) sont à l’honneur.
150
C’est le nombre d’événements présentés dans toute la Normandie pour les 150 ans de l’impressionnisme,
du 22 mars au 22 septembre 2024.
Demandez le programme !
Un site internet pour retrouver la liste de toutes les expositions et les informations pratiques :
normandie-impressionniste.fr
« L’art est toujours contemporain de son époque, et les artistes en sont comme une caisse de résonnance »
Philippe Piguet, lors de l’exposition de Barthélémy Toguo et Duncan Wylie « About the World », à Bruxelles, en 2018.
Le critique d’art Philippe Piguet, commissaire général du festival Normandie impressionniste depuis 2020, est aussi le bel arrière-petit-fils de Claude Monet.
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Philippe Piguet : « La programmation est pensée dans l’esprit d’invention qu’ont eu les impressionnistes »
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°773 du 1 mars 2024, avec le titre suivant : Philippe Piguet : « La programmation est pensée dans l’esprit d’invention qu’ont eu les impressionnistes »