A deux heures dix de Paris par le TGV et à vingt minutes en voiture de la gare de Valence, Philippe Favier a fait le choix de vivre à la campagne. Il faut dire que la demeure qu’il a trouvée dans un village sis au nord de la Drôme ne manque ni d’espace, ni de verdure, et encore moins de charme.
Né en 1957 à Saint-Étienne, figure emblématique des années 1980, l’artiste a très tôt imposé une forme d’art singulière, touchante et poétique, fondée sur le dessin, la peinture, le découpage et l’assemblage. Nantie d’un immense parc à la topographie variée et riche de toutes sortes d’essences, la propriété où il habite – on l’appelle « le château » – compte une grande bâtisse massive et des dépendances dont deux ont été transformées en ateliers. Si dans l’un d’eux repose au sol une longue pancarte signalant en lettres capitales « PAPETERIE FAVIER » – titre de l’une de ses dernières expositions –, une vieille enseigne affiche « Maison Favier Mercerie » sur le mur de l’une des nombreuses pièces de la maison.
L’atelier, royaume d’un monde lilliputien
Le fil et le papier, tout est là. Ce sont les deux ingrédients majeurs du monde fabuleux de l’artiste qui raconte non sans émotion comment, gamin, il se faisait de l’argent de poche en cousant des boutons pour le compte de son grand-père mercier. Aiguilles, bobines, rivets, broderies, etc., l’atelier de Philippe Favier en regorge, tout comme il est envahi de livres, de vieilles planches imprimées, de photos ou de cartes d’un autre âge. Fervent adepte des puces, des brocantes, des foires à tout et des marchés, Favier vit et travaille au beau milieu d’un véritable fourbi d’objets, de matériaux, d’outils et de machines en tout genre qui constituent un réservoir dans lequel il puise le moment venu. Volontiers solitaire, il passe le plus clair de son temps à l’atelier à réfléchir, à expérimenter, à fabriquer, la radio branchée sur le monde extérieur. L’atelier, c’est son laboratoire, son territoire. Il y est tôt le matin, impatient de retrouver le travail en cours, l’abandonne le temps du déjeuner et de la sacro-sainte sieste, y retourne ensuite pour ne le quitter qu’en toute fin d’après-midi. Favier dit détester voyager, aussi travaille-t-il en permanence, prenant tout le temps nécessaire à chaque chose. Non qu’il soit lent mais son luxe est de vivre sans urgence, loin des rumeurs et du stress urbains, au rythme serein des nombreuses pendules qui trônent dans l’atelier. Sur l’une des cimaises est accroché le travail en cours : des ribambelles de petits personnages découpés dans de vieilles photos que protège le verre d’un encadrement et qui composent comme les éléments d’une même famille. Alors que tous ont la face brutalement perforée par un rivet de sorte que leur tête est totalement évidée, cousu sur les pieds de l’un d’eux, le fil d’une petite étiquette pend dérisoirement dans le vide. Au jeu des familles recomposées, Philippe Favier apporte là une contribution artistique inédite, fidèle à sa manière lilliputienne et à cette forme de poésie nostalgique, critique et prospective qui anime toute son œuvre. Une œuvre tout en nuances qui joue de la vie comme de la mort sous les feux d’un soleil noir.
1957 Naissance à Saint-Étienne
1979-1983 École régionale des beaux-arts de Saint-Étienne.
1985 Lauréat du prix de Rome, il part pour la Villa Médicis où il ne reste que 4 mois
1996 Rétrospective au Jeu de paume
2009-2010 Exposition à la Villa Tamaris (Toulon) et au Mamac de Nice.
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Philippe Favier - De fil en aiguille
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Galerie Sollertis, 12, rue des Régans, Toulouse, www.sollertis.com
Cet article a été publié dans L'ŒIL n°628 du 1 octobre 2010, avec le titre suivant : Philippe Favier - De fil en aiguille