Plusieurs expositions prévues au Japon en partenariat avec des musées étrangers ont été ajournées à la suite de la catastrophe de Fukushima. Après l’Iran, le Pakistan, ou même la Californie, les assureurs freinent des quatre fers pour garantir les risques dans un pays désormais inscrit sur une liste rouge tacite.
MARSEILLE - Le projet d’une exposition des collections du Musée des beaux-arts de Marseille dans cinq musées japonais à partir du mois de septembre a été reporté. « Les assurances refusent de couvrir actuellement le Japon en raison de l’accident de la centrale nucléaire de Fukushima, indique Luc Georget, conservateur au Musée des beaux-arts. On ne peut pas dire que c’est annulé car rien n’était signé ; il n’y avait pas de contrat, c’était à l’étude. Si d’ici à 2013, le projet semble à nouveau faisable, nous le ferons. » Les œuvres n’étaient pourtant pas destinées à être présentées dans des zones à risque. « Nous avions dit à ces musées que nous leur donnerions une proposition d’assurance sous réserve de voir au 15 juillet s’il était possible de garantir [les risques] au Japon, indique de son côté Marc Rome, responsable de la souscription pour les expositions chez Axa Art. L’annulation dont nous avons été informés en avril n’est pas de notre fait, même si cela y a sans doute contribué. À la suite d’un événement comme Fukushima, on peut être conduit à être prudent un certain temps, à cause des coupures d’électricité qui pourraient remettre en cause la protection électronique des musées. » Ce report n’est qu’un épisode d’une longue série d’annulations. Le Musée Pouchkine, à Moscou, a annulé une exposition portant sur « 300 ans de peinture française » qui devait se tenir en avril au Yokohama Museum of Fine Art. L’institution moscovite a aussi ajourné d’autres expositions programmées cet été à Nagoya et Kobe, bien que ces villes soient éloignées du périmètre du sinistre. Le site Internet du Musée de Yokohama précise toutefois que le Musée Pouchkine reste en relation avec les trois musées dans l’espoir d’une présentation de ses collections dans deux ans. De son côté, le Musée Morandi, à Bologne, a retiré ses prêts de l’exposition monographique de Giorgio Morandi au Toyota Municipal Museum of Art prévue en avril. Le 30 mars, Eiji Mizushima, représentant le Japon à l’Icom (le Conseil international des musées), révélait que les musées français avaient refusé le prêt d’œuvres à l’Hiroshima Prefectural Museum of Art pour l’exposition sur la « Naissance de l’impressionnisme ». Outre les craintes de coupure électrique, la question des radiations inquiète les musées occidentaux.
Seuil de valeur
En revanche, le courtier belge Eeckman Fine Arts Assurance et la société de transport Bovis Fine Art ont continué à soutenir « French Window : Looking at Contemporary Art Through the Marcel Duchamp Prize », organisée au Musée Mori à Tokyo par l’Association pour la diffusion internationale de l’art français (Adiaf). L’exposition, qui réunit les artistes ayant participé au prix Marcel Duchamp depuis dix ans, est prolongée jusqu’au 28 août. « Elle était déjà en cours au moment des événements, et nous ne voulions pas abandonner nos clients. Nous avons reçu assez de garanties de la part du Musée Mori pour poursuivre », indique Marc Hemeleers, codirigeant de la société. Néanmoins, la société a refusé de souscrire pour d’autres expositions organisées au Japon, les conditions de garantie étant jugées insuffisantes. Les assureurs sont généralement frileux concernant les zones à risques naturels. « En Californie par exemple, en raison des tremblements de terre, nous allons avoir une limitation des assurances et nous ne pourrons pas aller au-delà d’un certain seuil de valeur, car s’il y a un tremblement de terre, il est indéniable qu’il y aura une destruction totale des œuvres », relève Marc Rome. Axa Art ne peut pas non plus intervenir dans des pays soumis à des sanctions internationales tels que l’Iran et le Pakistan. « Il peut aussi y avoir des risques de conditionnement et d’emballage, car, dans certains pays, l’état des routes n’est pas adapté, pas plus que les véhicules ou la main-d’œuvre », poursuit Marc Rome. La carte des pays à risques politiques étant très mouvante, on peut se demander comment les compagnies d’assurances réagiront pour des projets d’expositions conçus en partenariat avec des pays comme la Tunisie ou l’Égypte.
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Pas d'assurances pour l'art au Japon
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°350 du 24 juin 2011, avec le titre suivant : Pas d'assurances pour l'art au Japon