Paris attire le monde

Par Roxana Azimi · Le Journal des Arts

Le 3 novembre 2006 - 977 mots

Le salon Paris Photo s’inscrit cette année sous le double signe du Nord et de l’Amérique. Malgré la prééminence du marché américain, la Foire parisienne confirme sa dimension internationale

Les chiffres sont têtus. D’après Artprice, la France ne détenait en 2005 que 6,4 % de part de marché dans la photographie contre 72,4 % pour les États-Unis. Ces données peu fameuses pour l’Hexagone ne font toutefois pas du salon Paris Photo, qui se tient au Carrousel du Louvre à Paris du 16 au 19 novembre, une simple virgule dans un texte à la gloire de l’Oncle Sam. Chaque année, d’importantes galeries, dont une majorité d’américaines, s’y pressent. Avec 73 % de participation étrangère, Paris Photo détient même la palme du salon le plus international en France. « La demande américaine était très forte cette année, précise Valérie Fougeirol, commissaire du Salon. Nous aurions pu faire un salon à 50 % américain si nous l’avions voulu, mais nous avons choisi de limiter les participations à vingt galeries. » Forte d’un tel effectif, la foire nargue même sa concurrente new-yorkaise de l’AIPAD (Association of International Photography Art Dealers). « Le climat est plus international à Paris grâce à la clientèle européenne, confie la galeriste Yancey Richardson (New York). Paris Photo est aussi plus contemporain alors que l’AIPAD se concentre sur le vintage moderne de grande qualité, le noir et blanc. » Longtemps jugé trop classique, Paris Photo s’ouvre visiblement aux tendances actuelles. Un virage que confirme l’arrivée de galeries d’art contemporain comme Anne de Villepoix, Alain Le Gaillard et gb agency (lire p. 25), essentiellement parisiennes.

Un art pour chaque budget
Le renouvellement des exposants, de l’ordre de 30 %, ne déroge pas aux statistiques habituelles du Salon. Certaines évictions cette année telles celles de la galerie Paviot (Paris), d’Alex Novak (Chalfont) et de Laurent Herschtritt (Le Pré Saint-Gervais) suscitent toutefois quelques grincements… Malgré des absences parfois injustifiées, la section primitive et moderne se renforce avec de prestigieux impétrants. Robert Hershkowitz (Sussex) prévoit deux photos prises en France par William Henry Fox Talbot, l’une représentant une rue parisienne (64 000 euros), l’autre un détail de la cathédrale d’Orléans (100 000 euros). Bien que l’étroitesse du marché des primitifs oriente davantage Charles Isaacs (New York) vers le moderne, la galerie promet quelques surprises. Elle révèle ainsi la nébuleuse des photographes de la sécession américaine défendue par Alfred Stieglitz au tournant du XXe siècle. « Les prix de ce genre de photo vont de 400 dollars (320 euros) à plus d’un million de dollars (env. 800 000 euros), indique Carol Nigro, codirectrice de la galerie. C’est une période qui touche tous les budgets. Nous voulions apporter une fourchette large, pour donner une chance aux nouveaux collectionneurs de commencer. » Dépositaire depuis l’an dernier de la succession de Norman Parkinson, Eric Franck (Londres) affiche pour sa part une sélection de photos de 1937 à 1988, tirées du vivant du photographe, dans une gamme de 7 500 à 40 000 euros.
Les scènes nordiques (lire p. 20) et la photo américaine des années 1960-1970 se taillent la part du lion. Les premières donnent le la au point de rebondir des Statements sur bon nombre d’autres stands. La photographie de l’école d’Helsinki siège en majesté chez Taik (Helsinki). Après avoir déjà révélé les premières générations de ces photographes, la galerie intronise la quatrième promotion avec Joonas Ahlava et Anni Leppälä. De son côté, Yancey Richardson présente des photos du Finlandais Esko Männikkö, entre 3 000 et 5 000 euros. Celles-ci sont éditées à vingt exemplaires, mais chacune s’avère unique car Männikkö encadre différemment chaque tirage. De même, la galerie Camera Obscura (Paris) présente pour 1 000 euros les paysages de la série Russian Way du Finlandais Pentti Sammallahti. Le prix reste bas car la série s’avère être un tirage illimité.
Les galeries américaines s’adossent quant à elles aux expositions en cours dans les deux sites du Jeu de paume. En écho à celle du photographe Lee Friedlander (lire p. 17), Janet Borden (New York) accroche une vingtaine de clichés des années 1960 à nos jours. Il faut compter entre 4 200 et 6 800 dollars (3 350-5 400 euros) pour des retirages modernes et 10 000 à 40 000 dollars (7 900-32 000 euros) pour des vintages. « L’édition est illimitée, ce qui a freiné le marché de Friedlander et maintenu les prix bas, explique-t-on chez Janet Borden. Avec sa rétrospective l’an dernier au MoMA [Museum of Modern Art, New York], nous avons toutefois vendu cent photos. » De son côté, Edwynn Houk (New York) propose des retirages récents des photos de Joel Meyerowitz (4 500 à 12 000 dollars, soit 7 900 à 9 500 euros), pionnier américain de la couleur, dans la mouvance de William Eggleston et Stephen Shore. Baudoin Lebon (Paris) reconstitue pour sa part l’exposition de Joël-Peter Witkin de 1974 à la Cooper Union School de New York. Teintée d’un goût pour l’étrange, cette série de dix-huit vintages vaut 50 000 euros. C’est une vision plus nostalgique de l’Amérique qu’offre la nouvelle recrue M B (Los Angeles), avec les photos de surf de LeRoy Grannis (3 500 à 8 500 dollars, soit 2 800 à 6 800 euros). « On présente des tirages contemporains, car dans les années 1960, il ne photographiait pas en pensant qu’un jour ses photos seraient importantes », précise Shannon Richardson, de la galerie M B.
Insidieusement, certains exposants questionnent les principes directeurs du marché de la photographie, à savoir la dualité vintage/retirage et le tabou du tirage illimité. Il semble pourtant improbable que la seule notion d’image prenne un jour le pas sur celle de la numérotation ou du vintage. Bien que multiple, la photo veut jouer dans la cour de l’exclusif.

Paris Photo

16-19 novembre, Carrousel du Louvre, 99, rue de Rivoli, 75001 Paris, tél. 01 41 90 47 70, www.parisphoto.fr, tlj 11h-20h, le 17 11h-21h.

Paris Photo

- Commissaire générale : Valérie Fougeirol - Nombre d’exposants : 88 galeries et 18 éditeurs - Tarifs des stands : 310 euros le m2 - Nombre de visiteurs : 40 000

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°246 du 3 novembre 2006, avec le titre suivant : Paris attire le monde

Tous les articles dans Actualités

Le Journal des Arts.fr

Inscription newsletter

Recevez quotidiennement l'essentiel de l'actualité de l'art et de son marché.

En kiosque