L’Institut national du patrimoine (INP) vient d’accueillir un colloque sur les 50 ans de l’Inventaire, comment a-t-il évolué depuis sa création ?
Philippe Vergain En 1964 l’Inventaire général des monuments et des richesses artistiques de France est créé pour construire un regard scientifique, méthodique, sur le patrimoine ; essentiellement l’architecture et les objets mobiliers. Il s’agit d’une démarche nationale, mais aussi d’une volonté d’ancrage territorial puisque l’on procède canton par canton. Bien qu’il puisse participer à une politique raisonnée de protection, il est conçu comme déconnecté des monuments historiques. Progressivement l’approche thématique se développe, car on s’aperçoit que le travail par canton n’est pas satisfaisant par rapport aux pressions pesant sur le patrimoine. Dans les années 1980, une cellule de patrimoine industriel a ainsi été créée en administration centrale, ce travail sur le patrimoine industriel scientifique et technique se poursuit aujourd’hui. Le champ patrimonial s’est également ouvert à la villégiature, à l’architecture du banal, notamment les territoires du périurbain, mais aussi aux paysages, au patrimoine immatériel, aux établissements scolaires, à l’art brut, aux canaux, ainsi qu’aux réseaux routiers et aux barrages. Afin d’étudier ces nouveaux champs, les outils doivent évoluer et nous avons aussi besoin de nouveaux regards, de travaux complémentaires d’architectes, de paysagistes et de géographes.
Quel a été l’impact de la décentralisation ?
En 2004, il devient l’Inventaire général du patrimoine culturel, il est décentralisé et pour la première fois la mission d’inventaire général est inscrite dans des textes réglementaires. Depuis 2007, les régions ont hérité de situations très différentes et elles ont intégré l’Inventaire dans leurs stratégies, de manière également assez différente. D’une manière générale, le transfert s’est fait en moyens réels et, depuis 2013, il y a une compensation pour le personnel. En 2007, une région sur deux avait un dossier électronique et était capable de produire du numérique natif ; aujourd’hui, elles en sont toutes dotées. Elles peuvent verser directement de leur outil de production à leur site Internet. Aujourd’hui, nous rencontrons des difficultés sur le moissonnage de ces données. Le ministère a pris du retard dans ce chantier, il n’en a pas fait sa priorité suffisante dans des délais compatibles avec la décentralisation. Cela devrait être l’un des objectifs de 2015.
Assiste-t-on à une appropriation de l’Inventaire ?
On voit apparaître une importante demande d’accès des citoyens à la patrimonialisation. Grâce au dossier électronique, on a une vraie possibilité de les associer à cette démarche. Mais cela ne va pas sans soulever de questions, car il faut des effectifs pour contrôler ce travail. Certaines régions comme la Picardie sont allées plus loin encore en envisageant un wiki.
Quels sont les grands enjeux de l’Inventaire ?
Un rapport d’inspection est en cours, il fait le bilan de la décentralisation et va nous aider à jauger des enjeux et des difficultés. Un des enjeux pour 2015 est l’inscription de l’Inventaire dans le Code général des collectivités territoriales. Il faut que l’Inventaire positionne la dimension de patrimoine culturel dans les politiques publiques des collectivités territoriales et de l’État. Par ailleurs, pour assurer sa pérennité, il faut qu’il dispose d’un Conseil national de l’Inventaire fort et d’une mission de l’Inventaire qui maintienne la norme et qui continue à lancer les opérations nationales. Mais aussi d’une inspection très présente, ce qui n’est plus le cas, car nous disposons d’un seul inspecteur au lieu des trois qui sont la norme depuis des années.
Repères
Conservateur général du patrimoine, spécialité archéologie, Philippe Vergain est chef de la mission
de l’Inventaire général du patrimoine culturel depuis 2010.
L’inventaire a été créé en 1964 par André Malraux et André Chastel pour recenser, étudier et diffuser le patrimoine.
50 ans
C’est l’âge de l’Inventaire général des monuments et des richesses artistiques de la France, devenu Inventaire général du patrimoine culturel en 2004.
« Il est devenu évident que l’Inventaire ne pouvait s’achever pour la bonne raison que l’histoire avançait en même temps que lui. » Michel Melot, Mirabilia, Gallimard, 2012.
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Où en est l’Inventaire Malraux ?
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°674 du 1 décembre 2014, avec le titre suivant : Où en est l’Inventaire Malraux ?