MOSCOU / RUSSIE
DK Petlioura est depuis 1995 un haut lieu de la scène artistique underground moscovite animé par l’artiste pluridisciplinaire Alexandre Petlioura.
Moscou.« DK Petlioura » (ou « Maison de la culture Petlioura ») a été mis sous scellés sans préavis le 26 avril par des huissiers de justice de la Ville de Moscou à la suite d’une plainte déposée par un monastère orthodoxe voisin. DK Petlioura, un squat historique de la scène souterraine artistique moscovite, devenu un musée alternatif en 1995, abrite une vaste collection d’œuvres d’art et de costumes ayant appartenu à des célébrités russes. L’artiste Alexandre Petlioura (de son vrai nom « Liachenko ») ne peut plus accéder à sa collection et tente désormais de mobiliser des soutiens pour obtenir un nouveau lieu de la part des autorités. Avec ses associés et des voisins, il a organisé le 1er mai une fête-performance réunissant une centaine de personnes dans la cour du bâtiment, cernée par les barricades érigées par le monastère Saint-Pierre-le-Haut. Mais pour l’instant, les soutiens se font attendre. « En privé, tout le monde est avec nous, mais personne n’ose affronter publiquement l’Église orthodoxe », déplore Kirill, son assistant.
L’ensemble du bâtiment et de nombreuses maisons des alentours appartenaient jusqu’à 1920 au vaste monastère de la rue Petrovka, en plein centre historique de Moscou. À la différence des appartements et commerces des immeubles environnants, qui ont été privatisés dans les années 1990, le sous-sol du DK Petlioura est resté la propriété de la municipalité de Moscou, qui cède facilement aux requêtes de l’influente Église orthodoxe. « C’est clair que je ne récupérerai pas le sous-sol, confie Petlioura au Journal des Arts. Mais ils [les moines] ne s’arrêteront pas là. Je crains qu’ils tentent ensuite de s’emparer de l’ensemble du bâtiment. » Petlioura y possède un appartement. « Si je fais du bruit aujourd’hui, c’est pour sauver la collection et obtenir de la Mairie un autre lieu. »
Un lieu ouvert aux créateurs
Petlioura louait depuis vingt-trois ans le sous-sol pour un loyer de 60 000 roubles (800 €) et estime avoir rendu un service à la municipalité en réhabilitant cet espace, et surtout en « créant un lieu de développement culturel ouvert aux personnalités créatives de Moscou ». DK Petlioura a, entre autres, accueilli des personnalités culturelles comme les réalisateurs Emir Kusturica et Oliver Stone.
À 62 ans, Alexandre Petlioura fait partie des figures artistiques historiques de la scène moscovite, sa pratique est éclectique (théâtre, performance, peinture, photographie, design, couture). Célèbre pour ses performances avant-gardistes durant la perestroïka, il était alors l’un des artistes russes les plus connus à l’époque en Occident. Fréquemment invité en Europe, Petlioura a participé à six événements en France, et proposé la performance « Le monde de Petlioura » à la Fondation Cartier pour l’art contemporain en 2002.
Le responsable du monastère, le Père Piotr Eremeev, assure avoir « reçu les clés du sous-sol de la municipalité de manière légale, à la suite d’une procédure judiciaire ». Il signale que « les affaires d’Alexandre [Petlioura] sont à leur place et l’accès au sous-sol lui est garanti par [leur] juriste ». Piotr Eremeev précise que « le sous-sol est maintenu tel quel jusqu’à ce que DK Petlioura trouve un nouvel emplacement ». Ajoutant : « Nos employés se trouvent dans le sous-sol pour éviter toute saisie et provocation par les intéressés. »« Ce sont deux ivrognes, rétorque Petlioura avec amertume. J’ai peur qu’ils déclenchent un incendie. C’est une pratique courante pour chasser les propriétaires légitimes. »
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À Moscou, l’église orthodoxe expulse un musée alternatif
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°501 du 11 mai 2018, avec le titre suivant : À Moscou, l’église orthodoxe expulse un musée alternatif