Né en 1954, préhistorien de formation, Michel Clément est depuis le 8 janvier 2003 directeur de l’Architecture et du Patrimoine (DAPA) au ministère de la Culture. À ce titre, il est en charge de toutes les questions concernant l’architecture et le patrimoine, et en particulier des dossiers liés à la gestion des monuments historique ou de la future Cité de l’architecture et du patrimoine du Palais du Trocadéro. Michel Clément commente l’actualité.
En cédant aux collectivités territoriales la propriété de certains monuments historiques et en décentralisant les crédits qui étaient affectés à leur entretien et à leur restauration, l’État ne court-il pas le risque de voir ces crédits consacrés à d’autres domaines que le patrimoine monumental ?
Le transfert des monuments est différent de l’expérimentation du transfert des crédits de restauration des monuments historiques. Dans le premier cas, il s’agit de proposer aux collectivités qui le souhaitent, sur la base d’une liste établie par l’État, certains édifices. Pour avoir un éclairage extérieur sur cette question, le ministre de la Culture et de la Communication a confié à la commission d’experts présidée par l’historien René Rémond (lire le JdA n° 182, 5 décembre 2003) le soin de proposer les monuments susceptibles d’être décentralisés. C’est sur cette base que, lorsque la loi relative aux responsabilités locales sera votée, un décret précisera la liste des monuments « transférables ». Il y a donc tout un mécanisme qui permettra de prendre en compte des questions d’ordre historique, économique… Ensuite, les collectivités qui le souhaitent pourront demander la propriété de ces monuments, mais il est bien clair, et le projet de loi le dit, que cela pourra être seulement dans un but de conservation et de valorisation au bénéfice du public. Il n’est en aucun cas question de transférer des monuments pour ensuite les vendre ou les abandonner. Les conventions de transfert entre l’État et les collectivités préciseront les objectifs de ces transferts, à savoir d’une part la garantie de la pérennité de ces monuments, et donc leur restauration si nécessaire, d’autre part leur mise à la disposition du public, par le biais de visites, expositions...
Concernant le transfert des crédits de restauration vers les collectivités, il s’agira dans un premier temps d’une expérimentation. Les collectivités (principalement les Régions) pourront faire la demande de ces transferts, qui se feront là aussi dans le cadre de conventions d’expérimentation. Dans ce contexte, il n’y a donc pas de risque que les crédits aillent à autre chose qu’aux monuments. L’État assurera un suivi par le biais des directions régionales des Affaires culturelles. Il y aura des comités de pilotage et d’expérimentation, dans lesquels on saura très précisément comment les collectivités utilisent les moyens que l’État transfère. Et si elle se révèle peu concluante, l’expérimentation ne sera pas poursuivie. Pour notre part, nous faisons le pari que, avec la décentralisation, il y aura plus de moyens au service du patrimoine. Car, au-delà des crédits que l’État mettra à disposition des collectivités, les Régions, et dans certains cas les départements, pourront rajouter des moyens financiers.
Avec la perte de certains de ses musées les plus rentables (en particulier le Louvre, Versailles et Orsay), la RMN traverse une crise financière sans précédent. Un tel scénario est-il envisageable pour Monum’ [Centre des monuments nationaux] ? La commission Rémond préconise en effet la cession aux collectivités de 42 des 93 monuments dont le Centre assurait jusqu’ici la gestion, parmi lesquels des « poids lourds » comme le château du Haut-Kœnigsbourg ?
Je tiens à préciser que, à ce stade, la liste définitive des monuments proposés au transfert n’est pas encore établie ; elle le sera à l’issue de la consultation large que Jean-Jacques Aillagon a souhaitée, en demandant aux services de l’État et aux collectivités concernées (conseils régionaux, conseils généraux, élus) leur avis sur les propositions du rapport Rémond. Le Centre des monuments nationaux perdurera (il n’y a aucun doute là-dessus), notamment parce qu’il gère une série d’édifices dont il n’est pas question de se séparer. Nul n’envisage – ni les collectivités, ni l’État – de céder l’Arc de triomphe ou toute une série de monuments liés à l’histoire et à la mémoire nationale. Il suffit de consulter le rapport remis par la commission Rémond au ministre pour s’apercevoir que la plupart des grands monuments qui apportent des ressources importantes à Monum’ ne sont pas proposés au transfert. L’établissement est donc appelé à durer, même si son périmètre risque d’être modifié. En revanche, il pourra éventuellement voir ses missions se développer sur d’autres sujets, comme la maîtrise d’ouvrage des travaux d’entretien et de restauration pour les monuments dont il assure la gestion. Au-delà de ses missions traditionnelles, d’accueil du public et de valorisation du patrimoine, nous réfléchissons aujourd’hui à lui confier de nouvelles missions dans le domaine de la maîtrise d’ouvrage.
Jean-Jacques Aillagon vient d’annoncer sa décision de conserver le mur d’enceinte mis au jour lors des travaux de rénovation du Musée de l’Orangerie aux Tuileries. Quelle est la portée de cette découverte archéologique et comment sera-t-elle mise en valeur dans le cadre du nouveau projet du Musée ?
C’est une découverte historique de toute première importance sur le plan à la fois topographique et monumental. Ainsi, en vingt ans de travaux dans le secteur, on aura découvert trois enceintes : celle de Philippe Auguste sous la Cour Carrée du Louvre, celle de Charles V au Carrousel, et enfin, celle que l’on pensait initialement de Charles IX sous l’Orangerie mais qui, en fait, se révèle avoir été construite sous Henri III puis définitivement achevée sous Louis XIII. Cette enceinte dite « des fossés jaunes » avait été intégrée au projet de réaménagement des jardins des Tuileries par Le Nôtre, le mur clôturant le jardin à l’ouest et servant de support à la terrasse au bord de l’eau qui domine le quai et le fleuve. Compte tenu de tous ces éléments et, par ailleurs, du fait que les collections Walter- Guillaume et les espaces réservés aux Nymphéas n’étaient pas touchés, Jean-Jacques Aillagon a décidé du principe de la conservation de ce mur d’enceinte, exception faite d’une interruption au niveau du nœud de circulation. Le projet architectural sera amendé en conséquence ; l’agence d’architectes Brochet-Layus-Pueyo devrait faire des propositions en ce sens en modifiant les espaces d’exposition temporaires ainsi que la disposition des locaux techniques, qui devront intégrer la diagonale du mur dans un espace jusqu’à présent pensé de façon orthogonale. Un marquage au sol figurera les contreforts, afin d’offrir au public tous les éléments nécessaires à la compréhension de cette découverte.
Le maire de Paris souhaite reconsidérer la possibilité de construire des immeubles de haute taille dans la capitale. Que pensez-vous d’un tel projet ?
Le ministre n’est pas hostile au principe de construire des bâtiments dépassant le plafond actuel et permettant de dépasser la logique d’îlot haussmannien (à 25 m). Il est en même temps soucieux d’éviter que des constructions nouvelles viennent modifier les paysages les plus sensibles de la capitale. Il convient, en conséquence, préalablement à la révision du plan local d’urbanisme, que le service départemental de l’Architecture et du Patrimoine de Paris, en lien avec les services de la ville, étudie l’impact que pourraient avoir des constructions de bâtiments à hauteur élevée, depuis certains sites comme les berges de la Seine, l’esplanade du Trocadéro ou les hauteurs du parc de Belleville.
Des expositions ont-elles dernièrement retenu votre attention ?
Trois expositions m’ont plus particulièrement marqué : la rétrospective « Dubuffet » au Centre Pompidou, que j’ai trouvée magnifique, « Maesta di Roma » à la Villa Médicis, qui était consacrée aux artistes français du XIXe siècle ayant séjourné à l’Académie de France à Rome. Enfin – et là je suis un peu subjectif –, l’exposition organisée par le Centre des monuments nationaux à la Conciergerie à Paris autour de Mérimée, intitulée « Le tour de France de Mérimée ». Une partie des œuvres présentées (photographies, documents, dessins…) a déjà beaucoup circulé en France (à l’abbaye de Silvacane, au Mont Saint-Michel, au château de Chambord et au palais du Tau à Reims), mais c’est à Paris que l’exposition offre son déploiement le plus complet.
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Michel Clément, directeur de la DAPA
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°186 du 6 février 2004, avec le titre suivant : Michel Clément, directeur de la DAPA