Préhistoire

Médiation : des évidences et des divergences

Par Sindbad Hammache · Le Journal des Arts

Le 22 juin 2022 - 585 mots

Chaque site a développé son propre système de médiation mettant au cœur du dispositif le principe d’immersion dans lequel les guides touristiques ont un rôle à jouer.

Les trois grands sites pariétaux reproduits en France ont chacun choisi un angle d’attaque différent pour traiter leur sujet. À Cosquer, un ascenseur mime la plongée dans les calanques, et dépose le visiteur 36 mètres sous le niveau de la mer. L’entrée dans la réplique de Lascaux reproduit l’instant de la découverte de la grotte par quatre enfants, en 1940 : suivant un petit chemin, le visiteur les entend discuter en occitan, accompagnés de leur chien. Pour découvrir l’anamorphose de Chauvet, c’est l’architecture des lieux qui mène peu à peu les visiteurs dans l’obscurité des entrailles de la Terre. Autant d’artifices qui permettent d’accomplir l’objectif d’immersion, que partagent les fac-similés de grotte. Pour s’assurer de la réussite de cet objectif, un ensemble de règles communes à ces sites est imposé aux visiteurs : pas de téléphone et pas de photos, pour vivre une expérience hors du temps.

Pour la médiation, « c’est l’humain qui nous sauvera », martèle Alain Barbé, directeur de la Semitour, société qui gère la réplique de la grotte de Lascaux. Et il en est d’autant plus convaincu que, depuis la crise sanitaire, la visite guidée imposée de la grotte s’est étendue à une bonne partie du parcours qui suit. En Ardèche également, on compte sur la médiation humaine pour faire découvrir Chauvet II : « On veut que les visiteurs se laissent porter par le guide, dans une forme de lâcher-prise », fait savoir Valérie Moles. Là, la visite suit un scénario un peu plus précis, en raison notamment du minutage de l’important jeu de lumière ; à Lascaux, on compte davantage sur le bagage singulier et la personnalité de chaque guide pour éclairer la visite. La formule est bien différente dans le nouveau fac-similé de Cosquer, où la médiation est assurée par une visite audio. Une découverte immersive grâce aux bruitages aquatiques, mais moins engageante, qui s’explique aussi par le positionnement de l’entreprise Kléber Rossillon qui a créé et gère la réplique de la grotte : en plein centre-ville de Marseille, l’idée est de promouvoir une expérience qui remplace la sortie au cinéma.

Si tous les sites partagent l’évidence de l’immersion, les choix pour le parcours interprétatif adossé au fac-similé sont différents. Cosquer a intelligemment axé le discours sur la montée des eaux, raccrochant la visite aux enjeux climatiques actuels. Logé dans le porte-à-faux de la villa Méditerranée, le parcours utilise des maquettes, des animaux naturalisés et des projections, pour délivrer un message clair et peu bavard – ce qui est idéal après avoir été en immersion sous-marine. À Chauvet, le diorama a la part belle dans la « galerie de l’Aurignacien » [voir ill.], la plus classique des propositions, qui présente sur un ton de « muséum » la culture et de l’environnement des peintres du paléolithique : roboratif et richement documenté, avec six heures de contenu. Lascaux IV a choisi de traiter le sujet sous l’angle de l’histoire de l’art, et dès la visite de la réplique, les références à Pierre Soulages ou Michel-Ange fusent. Immédiatement après la sortie du fac-similé, le parcours enchaîne sur « l’Atelier », une re-reproduction d’une dizaine de panneaux de la grotte, mis en scène de manière spectaculaire par les architectes du cabinet Snøhetta. Cet espace permet de s’attarder, d’analyser, ou de contempler à nouveau ce que l’on a découvert, à demi hébété, dans la réplique : une idée de médiation toute simple, mais très efficace.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°592 du 24 juin 2022, avec le titre suivant : Médiation : des évidences et des divergences

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