La nomination de Mario Resca à la tête des musées italiens est loin de faire l’unanimité
ROME - Le 14 novembre, le ministre des Biens et des Affaires culturels italien, Sandro Bondi, a provoqué l’émoi en annonçant la création, au sein de son ministère, d’une direction générale pour la gestion et le développement des musées et des sites culturels ouverts au public. À la tête de cette nouvelle direction : Mario Resca, ancien dirigeant de McDonald’s Italie, encore récemment directeur du Casinò de Campione, et désormais conseiller du ministre pour la politique muséale. Cette nomination d’un « supermanager » pour les musées italiens est synonyme d’une énième réorganisation du ministère italien. Une réforme qui prévoit diverses coupes budgétaires, concernant tant les personnels que la logistique. L’annonce de ce chambardement a été rendue publique seulement quatre jours après la nomination de Mario Resca, lors de la présentation au Conseil supérieur des biens culturels d’un projet de décret présidentiel sur le sujet.
Le Conseil a totalement désavoué cette réforme, et en particulier le rôle de la nouvelle direction générale des musées, avant d’inviter le ministre à revoir sa copie. Le président du Conseil, Salvatore Settis, a joué la transparence en invitant le ministre à dialoguer par voie de presse. Dans un courrier publié dans le quotidien Il Giornale, le ministre réplique aux deux lettres adressées à La Repubblica par le président du Conseil. Il y exprime sa volonté partagée d’une modernisation de la gestion des musées italiens, tout en accusant Settis de se servir de la presse pour régler ses comptes. Or, ce dernier ne fait que rapporter l’opinion exprimée par tous les membres du Conseil, lequel inclut des historiens émérites tels le vice-président Antonio Paolucci, Andrea Emiliani, Cesare De Seta, Paolo Portoghesi, Marisa Dalai Emiliani, Tullio Gregory et Walter Santagata. Sandro Bondi ne semble en effet pas avoir porté attention à son premier organe consultatif avant de mettre en chantier cette importante réforme. S’il n’hésite pas à recourir à la rhétorique – « il doit y avoir une raison pour laquelle aucun musée italien n’apparaît dans la liste des dix musées les plus visités au monde… » – , il néglige le fait que l’Italie n’abrite pas de capitale à l’échelle de Londres, Paris ou Berlin et que « la dispersion des ressources » est en réalité la richesse et la spécificité de l’Italie. Et cette diversité est une valeur à défendre et à valoriser. Par ailleurs, lorsque le ministre avance qu’« évidemment, Salvatore Settis oublie que Mario Resca est l’un de nos managers les plus influents et affirmés », il omet non seulement le fait que cette nomination s’est déroulée sans la moindre organisation d’un concours international, mais il ignore les évaluations des anciens collaborateurs de Resca à McDonald’s. Car cet « homo berlusconianus » agaçait passablement ses associés américains. Si ces derniers étaient satisfaits par les quelque cent quatre-vingts restaurants que l’habile Resca avait réussi à ouvrir grâce à ses amitiés haut placées, ils étaient excédés par la manière « inhabituelle » dont il gérait ses affaires et son mépris total pour les règles de base du « système » McDonald’s. Lorsque Resca a publié son livre sur ses succès à la tête de McDonald’s Italie, il l’a fait sans en informer ses associés et a passé outre son devoir de réserve. Tant et si bien que les Américains se sont empressés de lui racheter sa part correspondant à 20 % du capital, ravis de se défaire d’un collaborateur devenu encombrant. Le goût de Resca était par ailleurs jugé discutable, au vu du faux mobilier XVIIIe déployé dans son bureau. Aux États-Unis, à la suite d’un article paru dans le New York Times, il a déjà été rebaptisé « McCaravaggio ».
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McCaravaggio
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°293 du 12 décembre 2008, avec le titre suivant : McCaravaggio