Actualité de l’artiste, exposition personnelle, confrontation entre classiques et contemporains ou grand format, les manœuvres des grandes galeries sont multiples pour aborder une Fiac aux enjeux croissants.
La Fiac fête son quarantième anniversaire avec brio, confirmant à nouveau cette année qu’elle fait partie des grandes. Aussi la foire est-elle particulièrement attendue par les galeries françaises qui ont pu obtenir le précieux sésame pour faire partie du cercle des exposants. Bien que pointée du doigt pour des absences remarquées, la participation nationale reste relativement importante : 54 galeries hexagonales sont recensées pour cette édition, soit 29,6 % du total des exposants. Le chiffre est en légère baisse par rapport à l’an passé, mais il reste supérieur à celui des grandes foires internationales, notamment Frieze London qui compte seulement 31 exposants britanniques, soit 20,6 % du nombre total de marchands.
Si, sous l’impulsion de Jennifer Flay, le rayonnement de la Fiac va croissant, il en va de même concernant les enjeux de la foire pour les galeries françaises. « La Fiac représente à la fois un enjeu en termes de relations publiques, de promotion de nos artistes, mais aussi en termes financiers. De ce point de vue, la foire est aussi importante pour nous, galerie française, que Bâle, explique Anne Claudie Cornic, directrice de la galerie Templon. Les relations que l’on noue pendant ces quelques jours seront aussi décisives pour le reste de la saison, car c’est l’occasion de discuter des expositions à venir, des nouveaux projets de nos artistes, etc. » « Les changements opérés ces dernières années ont permis à de nombreux collectionneurs de venir, et c’est surtout sur ce point que la Fiac est devenue incontournable », ajoute la galeriste Frédérique Valentin (Chez Valentin).
L’accroissement du nombre de collectionneurs internationaux, notamment nord-américains, a en effet été l’un des points forts du bilan de l’an passé, et, si l’on considère les initiatives mises en place dans le cadre du programme VIP pour cette 40e édition, ce mouvement n’est pas près de ralentir.
Le galeriste Georges-Philippe Vallois tempère la question des enjeux financiers liés à la Fiac, certes « croissants, mais, du point de vue commercial, les choses n’ont pas tant changé ». Compte tenu du coût élevé d’un stand (entre 485 à 525 euros le mètre carré) et des recettes importantes qu’il exige, et par ailleurs de la désertification de l’espace de la galerie au profit de la fréquentation des foires, la Fiac constitue l’un des moments phares de l’année pour les exposants hexagonaux. « Les galeries françaises sont dans une concurrence indispensable, mais néanmoins féroce », ajoute le président du Comité professionnel des galeries d’art.
L’attrait des valeurs sûres
Que recherchent les collectionneurs présents à la Fiac ? « Il y a plusieurs tendances, la plus importante reste l’acquisition de valeurs sûres, qu’il s’agisse d’artistes bien établis historiquement ou d’artistes très actifs internationalement. Nous voyons aussi toujours des collectionneurs français dits“traditionnels”, qui réagissent au coup de cœur », constate François Dournes, de la Galerie Lelong.
Au vu de l’ensemble de ces contraintes et données, quelle stratégie adopter ? La galerie Loevenbruck fait le choix du solo show, une option radicale et particulièrement risquée. Un vaste panorama du travail de Jean Dupuy est ainsi montré, des pièces historiques aux plus contemporaines. Le Français figure également en bonne place dans le programme Hors les murs de la foire avec les sculptures monumentales Where et Here (2013) aux Tuileries.
L’exposition personnelle est également l’option retenue par Applicat-Prazan, qui consacre l’intégralité de son stand à Serge Poliakoff. L’actualité de l’artiste est bien évidemment un facteur important, le peintre de la nouvelle école de Paris étant simultanément à l’honneur dans les espaces de la galerie et au Musée d’art moderne de la Ville de Paris. Parmi les poids lourds de l’art moderne, la Galerie 1900-2000 se concentre pour sa part sur ses fondamentaux avec un focus sur Dada et le surréalisme, auquel se mêlent des œuvres plus contemporaines. Sont ainsi présentés, aux côtés d’un portrait de Kiki de Montparnasse par Man Ray, d’une Composition de Francis Picabia de 1919 et d’un dessin de Max Ernst de 1925, une huile de Frédéric Léglise de 2013 ou un tirage de Gaston Bertin de 2010. Marcel Fleiss, qui participe également à Frieze Masters et à Art Basel Miami Beach, s’est donné pour règle « de ne jamais montrer les mêmes œuvres dans plusieurs foires : ce sera trois accrochages très différents cette année ».
Ce mélange entre classiques et contemporains anime aussi le stand de la galerie Jaeger Bucher, qui place un Dubuffet de 1984 face à une toile monumentale de Fabienne Verdier datant de 2011. Cette confrontation de pièces historiques avec des œuvres contemporaines d’artistes moins connus est encore au programme de Lelong, qui expose le Gymnaste de Miró (1977), proposé à 300 000 euros, mais aussi des papiers du Britannique David Nash ou de récentes aquarelles de Barthélémy Toguo. Aussi l’échelle des prix, de 200 euros à 6 millions d’euros, est-elle à l’image de ce large spectre. François Dournes explique ces choix : « La perspective est peut-être moins muséale qu’à Bâle où, nous voyons probablement plus de directeurs de musées internationaux, mais il faut répéter qu’à la Fiac le niveau est excellent. »
De l’inédit de préférence
L’actualité de la galerie est au cœur du stand de Templon, qui propose notamment une photographie inédite de David LaChapelle, et la Maison taguée à Mexico (2013) de Philippe Cognée – deux artistes exposés cette année – ou une toile de Gérard Garouste, en avant-première de son exposition prévue en janvier. « La Fiac est un rendez-vous annuel qui nous permet de présenter notre nouveau programme, et de rappeler les expositions de la saison passée pour ceux qui ne les ont pas vues », explique Anne-Claudie Cornic. L’actualité est aussi visible chez Kamel Mennour, et notamment celle de Latifa Echakhch, nommée pour le prix Marcel Duchamp [lire p. 34]. Sous la forme d’un group show, le stand comprend les nouvelles œuvres de Camille Henrot, Ann Veronica Janssens, Anish Kapoor ou François Morellet.
Nathalie Obadia s’appuie quant à elle sur les pièces récentes de Joana Vasconcelos, Shirley Jaffe ou Brenna Youngblood, sans oublier Martin Barré exposé cette année par la galerie. Chez Valentin, les artistes français ont la part belle : sont mis à l’honneur Nicolas Moulin, Laurent Grasso ou Éric Baudart. « La Fiac est une des foires qui permet de montrer l’identité de cette scène et les changements qui s’y sont opérés depuis ces dernières années », commente Frédérique Valentin, qui a échelonné les prix entre 5 000 et 90 000 euros.
De son côté, Georges-Philippe Vallois explique : « La Fiac nous permet d’affirmer notre point de vue, aussi nous faisons en sorte que notre stand soit le plus caractéristique possible de notre activité, avec des pièces de préférence inédites, et si possible d’actualité. » Une monumentale Nana verte au sac de Niki de Saint Phalle, l’une des toutes premières, accueille le visiteur dans un espace où figurent en bonne place Gilles Barbier, Alain Bublex ou Virginie Yassef pour des prix allant de 500 euros (pour une photographie de Julien Bismuth) à 1 million d’euros. S’imposent encore sur ce stand les œuvres d’Henrique Oliveira, montré dans le cadre de « Nouvelles vagues » au Palais de Tokyo. Car les pièces de très grand format peuvent encore constituer un atout pour attirer le visiteur dans le tohu-bohu de la foire. Le monumental est d’ailleurs une caractéristique du stand d’Emmanuel Perrotin, où trônent une sculpture en bois de plus de 3 mètres de haut de Kaws et une photographie aérienne du Kenya de JR, aux côtés d’œuvres de Tatiana Trouvé, Jean-Michel Othoniel ou Wim Delvoye. Tout est bon pour attirer l’œil du collectionneur.
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Les stratégies des galeries françaises
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°399 du 18 octobre 2013, avec le titre suivant : Les stratégies des galeries françaises