Alors que la dation Claude Berri avait été acceptée par l’État français, les héritiers du cinéaste ont finalement préféré vendre de gré à gré la dizaine de tableaux que devait recevoir le Centre Pompidou. Valorisé 30 millions d’euros par l’État, l’ensemble serait destiné au Qatar pour une somme bien supérieure. Le musée parisien a été forcé de déprogrammer l’exposition de ces œuvres prévue cet été.
PARIS - Le Centre Pompidou, à Paris, avait programmé une exposition sur la dation Claude Berri du 29 juin au 12 septembre. Un accrochage annulé, car les fils du cinéaste ont fait machine arrière, alors même que la proposition de dation, déposée en juillet 2009, avait été approuvée par l’État. Cette opération, qui aurait permis aux deux héritiers du réalisateur de payer leurs droits de succession en offrant des œuvres aux musées français, concernait une dizaine de pièces, notamment quatre tableaux de Robert Ryman, un autre d’Ad Reinhardt, un dessin de Richard Serra, un néon de la série Tatlin de Dan Flavin, une nature morte de Giorgio Morandi et un Lucio Fontana de la série des Venezia, pour une valeur de plus de 30 millions d’euros.
Une douche froide pour le Centre Pompidou, où étaient entreposées les œuvres en attente de l’avis de la commission de dation. L’institution, qui possède déjà cinq pièces de Ryman, attendait avec une joie évidente de pouvoir accrocher ceux de Claude Berri. « C’est très regrettable pour nos collections et, pour moi, c’est une grande déception. Ces œuvres auraient complété de façon heureuse celles du musée. L’ensemble des Ryman était absolument essentiel, c’était une opportunité qui risque de ne pas se représenter, car Claude était de loin le plus gros collectionneur de Ryman en France », nous a confié Alfred Pacquement, directeur du Musée national d’art moderne. On peut comprendre d’autant plus le désarroi du musée que son budget d’acquisition s’élève, cette année, à 2,5 millions d’euros, une somme ne permettant guère d’acquérir de tels trophées. « Il est rare que des héritiers se ravisent alors que la dation a été acceptée, sauf lorsqu’on laisse entendre, en cours d’examen, que l’œuvre n’est pas du niveau d’une dation, ou lorsque la valeur proposée par la commission des dations ne leur convient pas, indique une source proche du dossier. Mais, dans le cas de la dation Berri, les valeurs étaient celles du marché. » En engageant la procédure, les héritiers ont pu suspendre le paiement des droits de succession, ce qui leur laissait aussi le temps de monnayer leur ensemble ailleurs.
D’après nos informations, ils auraient préféré vendre au Qatar par l’intermédiaire du courtier Philippe Ségalot. L’émirat aurait proposé une somme de 50 % supérieure à l’offre de l’État français. Certes, Claude Berri n’avait pas laissé de testament à ses deux enfants, et ces derniers sont en droit de se raviser. Mais il est dommage que la mémoire du collectionneur n’ait pas été saluée par un geste qui aurait pu à la fois enrichir les collections nationales et rendre hommage au goût du cinéaste, d’autant plus que, de l’avis de ses proches, il n’était pas homme d’argent. On peut aussi s’étonner qu’un courtier de renom, décoré de la Légion d’honneur, ait préféré détourner des œuvres d’une collection publique française au profit d’un État étranger…
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Les Ryman de Berri n’iront pas à Beaubourg
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°342 du 4 mars 2011, avec le titre suivant : Les Ryman de Berri n’iront pas à Beaubourg