Est-il possible de concilier politique artistique rigoureuse et élargissement du public, le tout avec un budget de fonctionnement inférieur à 1 million de francs ? Jean-Claude Guillaumon à Saint-Fons et à Genas, Pierre Cayez à Saint-Priest, et Brigitte Laurençon à Villefranche, cherchent depuis une bonne dizaine d’années à résoudre cette équation infernale.
VILLEFRANCHE - Jusqu’à mi-septembre, l’Espace d’arts plastiques de Villefranche présente une remarquable rétrospective André Lanskoy. Ensuite, on découvrira Anne Deguelle, Marcel Dinahet et Patrick Ruet dans… trois lycées agricoles, dans le cadre d’une opération prometteuse intitulée "Récoltes" (on est en Beaujolais), évoquant certaines expériences du Land Art.
La directrice, Brigitte Laurençon, souhaite "montrer tous les aspects de la création contemporaine, sans exclusive", une diversité fermement défendue depuis l’ouverture du lieu en 1978. Ainsi, les quatre expositions annuelles, qui coûtent environ 50 000 francs chacune, sont l’occasion d’alterner artistes de la région – Jackie Kayser, Christian Lhopital –, avec d’autres plus confirmés – Raymond Waydelich, Didier Tallagrand –, et même "des références de l’art moderne" : André Masson, Joan Miró.
Alterner découvertes et valeurs sûres
À Saint-Priest, même exigence. Ouvert en 1979, conventionné avec le ministère de la Culture depuis 1985, le Centre d’art contemporain propose lui aussi quatre expositions par an (à moins de 100 000 francs pièce) commissionnées par Pierre Cayez. Davantage attiré par la pratique de la peinture, moins éclectique que Villefranche, il se tourne volontiers vers des artistes relativement connus. Philippe Favier fêtera ainsi à la rentrée ses dix ans de travaux.
Par ailleurs, Pierre Cayez dispose de la collection du Centre (Hans Hartung, Jean Hélion, etc), et de dépôts du FNAC et du FRAC (Laurence Weiner, Jean-Luc Vilmouth), qui lui permettent de présenter l’actualité internationale.
Jean-Claude Guillaumon, à Saint-Fons, veut, lui, faire un "carottage de l’actualité" : depuis 1986, il montre en priorité au Centre d’arts plastiques des artistes "en émergence" (Pierrick Sorin, Jean-Jacques Rullier, Sharon Kievland). Pour cela, il monte six expositions par an avec des moyens comparables à ceux des autres centres (50 à 70 000 francs par exposition).
Urs Lüthi achevait la saison et Euan Burnet Smith ouvrira l’année 1994-1995, avec des sculptures qui conjuguent minimalisme et perturbation de la perception de l’espace. Ouvert en 1978, l’espace de Genas est plus expérimental encore, et on y voit presque exclusivement des premières expositions "avec quelques pointures qui permettent de solidifier le lieu". La "pointure" de l’année fait l’exposition de rentrée : Zbigniew Dlbak, un artiste polonais réputé dans son pays, dont le travail est proche de l’art construit, tendance méditative.
Former le public
Si l’activité d’exposition est essentielle à la réputation du lieu, l’approche du public est devenue vitale pour convaincre les édiles locaux de la nécessité de l’existence d’un centre d’art. La formation des publics est donc devenue la deuxième activité de ces centres. Pour autant, la première ne conditionne pas la seconde : "Ma programmation est indépendante du public ; c’est ensuite que s’organise le travail de médiation", répond sans ambages Jean-Claude Guillaumon.
Pas moins de 50 % des scolaires de Saint-Priest et Saint-Fons visitent régulièrement les expositions, ainsi que tous ceux de Genas. Un travail en profondeur, qui a demandé la mise au point d’outils pédagogiques spécifiques et suscité des liens étroits avec les enseignants, l’objectif étant d’apprendre à "lire les œuvres" avec un "vocabulaire adapté, parce qu’un enfant de 5 ans ne peut pas comprendre les problèmes de la perspective de la même façon qu’à 8", explique Catherine Chambon, responsable pédagogique à Saint-Priest.
Une opération moins difficile qu’on ne pourrait le croire, même avec des œuvres contemporaines car, explique Anne Giffon, assistante de direction et animatrice pédagogique à Saint-Fons, "les enfants se débarrassent beaucoup plus vite que les adultes de leurs a priori".
Faiblesse chronique des subventions
Mais si ces quatre centres d’art conçoivent leurs missions dans l’optique d’un véritable "service public", ils sont faiblement subventionnés par l’État et les municipalités, la région restant en retrait. Pourtant qui, en dehors des collectivités publiques, pourrait mener une politique artistique visant le long terme ? Si la politique de soutien aux grosses institutions est sans faille – l’affaire du Nouveau Musée en est l’éclatante démonstration (lire le JdA n°5, juillet-août) – il semble que le travail de prospection artistique et de fidélisation d’un public ne suscite guère l’enthousiasme des bailleurs de fonds.
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L’équation infernale des centres d’art
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°6 du 1 septembre 1994, avec le titre suivant : L’équation infernale des centres d’art