Incontournable Massimiliano Fuksas... Auteur de quelques réalisations remarquables, à 56 ans, cet architecte d’origine lituanienne, expert en relation publique et en marketing européen, a le don d’ubiquité. Artiste peintre, enseignant, chroniqueur, en Italie, en France et ailleurs : il est partout. Bien qu’ayant fui le système inertiel de l’architecture en Italie dans les années 70 et 80 au profit de la commande publique française et des grands projets mitterrandiens, fils prodigue superstar de retour dans son pays dans les années 90, il était logique qu’on lui confie la Biennale en l’an 2000. En revanche, il était moins évident de savoir s’il était la bonne personne pour proposer le thème de cette édition... Sous l’appellation creuse (et donc fédératrice) « La Ville : moins d’esthétique, plus d’éthique », Massimiliano Fuksas, secondé par sa femme, Doriana Mandrelli, a donc voulu saisir une sorte d’air du temps, de nouvelle ère. Mais qu’y voit-on ? Venise mêle en cette année de jubilé architectural, jeunes et vieux, professionnels et étudiants... Certains, comme le jeune architecte australien Peter Zellner, crient à la récupération d’une génération d’architectes pris en otages comme faire-valoir de leurs aînés. D’autres ricanent d’une sélection tutti frutti. Bien loin d’aider à la clarté du propos, ce principe d’accumulation débridée peut inverser l’effet de vase communicant et exacerber un rondo veneziano de mauvais goût... Or, paradoxalement, l’œil a ses raisons que la raison ne connaît pas. Sur le site des Giardini comme sur celui de l’Arsenal, la comparaison des pavillons et l’affût de perles rares ou baroques font qu’au-delà du thème, il existe toujours quelque chose de nouveau ou d’intéressant à dénicher. Par exemple, dans la magie désaffectée de la friche militaire, quel délice de se trouver d’emblée face à cette sombre ventilation mécanique de l’architecte japonais Makoto Watanabe, dans laquelle ondule une forêt de fibres optiques ! Quelle bonne surprise que de suivre, sur les 280 m du parcours des Corderies, l’itinéraire vidéo menant de Calcutta à Sao Paulo via Las Vegas, Mexico, Hong Kong, Manille ou Moscou ! Quelle beauté surréaliste que de se trouver face à l’installation d’Hans Hollein, jardin zen sur barge, dérivant entre cale sèche et grand bassin... Aux Giardini, les pays s’exposent avec plus ou moins de réussite, selon la manière qu’ils ont eu de résoudre l’équation intégrant budget de production, publicité nationale et respect du thème. Pavillon hôte, l’italien est pour cela le plus grand et le plus fourre-tout. N’allez surtout pas y chercher de cohérence, vous risqueriez d’avoir mal à la tête. Ceci dit, on y remarque la présence de belles prestations. Gênant l’éthique et le couloir malgré sa compacité, Body Transit 1.0, la pièce de Didier Faustino, est un détournement des malles high-tech pour missile. Androïde inanimé vous regardant, le Pinocchio d’Hiroaki Kitano et de Tatsuya Matsui (designer du petit chien Aïbo de Sony) vous permet de remonter le temps grâce à son fidèle enregistrement vidéo. Quant au photographe milanais Armin Linke, il confronte la démesure prométhéenne de barrages en Chine, d’un pont à Kobe ou de la soute du Beluga d’Airbus. Mais si cela ne vous suffit pas, foncez à la City of girls du pavillon japonais de Kazuyo Sejima et Ryue Nishizawa, contournez le pavillon français sans vous y arrêter, entrez puis sortez sans papier du pavillon suisse (le visiteur comprendra) ou du pavillon autrichien où, actualité oblige, Hans Hollein ne présente que les architectes « étrangers », faites vos classes à la Columbia University avec Greg Lynn et Hani Rashid, avant finalement de rentrer à la maison, nu pied, au pavillon hollandais de NL Architects pour un repos bien mérité.
VENISE, VIIe Biennale d’Architecture, jusqu’au 29 octobre.
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Le Rondo veneziano de Fuksas
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°519 du 1 septembre 2000, avec le titre suivant : Le Rondo veneziano de Fuksas