Le patrimoine haïtien en suspens

PORT-AU-PRINCE - La reconstruction des institutions patrimoniales, artistiques et culturelles d’Haïti a été suspendue en décembre dernier à la suite d’une vague de violences qui a déchiré Port-au-Prince. À l’origine de ces émeutes, les allégations de fraude en faveur du candidat à la présidentielle Jude Célestin, arrivé en tête du premier tour des élections du 28 novembre avec près du tiers des voix (le deuxième tour du scrutin qui devait se tenir le 16 janvier a été reporté à la fin du mois de février). « Les difficultés à surmonter sont nombreuses pour ceux qui travaillent à Haïti en ce moment, entre l’épidémie de choléra et les inquiétudes suscitées par l’élection présidentielle », explique Corine Wegener, conservatrice au Minneapolis Institute of Arts et présidente de l’US Committee of the Blue Shield, l’équivalent culturel américain de la Croix-Rouge. 

Inquiétude
À la suite du tremblement de terre de magnitude 7 sur l’échelle de Richter qui a secoué Haïti en janvier 2010, Corine Wegener a fait appel à plusieurs organisations, parmi lesquelles la Smithsonian Institution, pour développer une stratégie de reconstruction des institutions culturelles dévastées du pays. Or le climat chaotique des dernières semaines a forcé les nombreux bénévoles travaillant sur des projets de conservation à se barricader dans leurs résidences et leurs chambres d’hôtels. « Les voitures ne vont nulle part à moins d’une situation exceptionnelle. Notre travail a été interrompu. Le pays est aujourd’hui paralysé », nous a confié par téléphone Lorraine Mangones, directrice générale de la Fokal (Fondation connaissance et liberté). L’une des missions de Lorraine Mangones est de superviser les efforts de restauration sur les demeures historiques du pays datant du début du XXe siècle, dont certaines dans le quartier de Bois-Verna à Port-au-Prince ont résisté au séisme. En dépit des progrès menés, Lorraine Mangones demeure inquiète au sujet des élections et de leurs conséquences éventuelles : « Je ne suis pas sûre du temps qu’il faudra pour trouver une solution. » La Smithsonian Institution, en collaboration avec l’US Committee of the Blue Shield et les conservateurs bénévoles de l’American Institute for Conservation of Historic and Artistic Works, a été en première ligne de la réhabilitation culturelle du patrimoine haïtien. En mai 2010, la Smithsonian Institution et le gouvernement du pays ont inauguré le « projet de sauvetage du patrimoine culturel haïtien », un centre de 700 mètres carrés répartis sur trois étages qui abrite les œuvres provenant d’institutions dévastées telles le Centre d’art de Port-au-Prince, la cathédrale de la Sainte-Trinité et le Musée Nader. La conservatrice en chef du projet, Stéphanie Hornbeck, indique que le but de l’opération est la formation des agents locaux pour laisser un programme de conservation sous contrôle haïtien parfaitement opérationnel au moment du départ des équipes américaines, prévu pour le mois de novembre.