NOGENT-SUR-SEINE / AUBE
L’ouverture du futur Musée Camille Claudel à Nogent-sur-Seine ne cesse d’être repoussée. Aujourd’hui, elle est annoncée pour 2017. La nouvelle municipalité refuse de recevoir le bâtiment arguant de défauts de construction. La vraie raison est sans doute liée au partenariat public-privé monté par l’ancienne équipe qui coûterait au moins 1 million d’euros à la ville pendant vingt-cinq ans.
C’est un mauvais feuilleton indigne de l’œuvre de Camille Claudel : à l’origine prévue en 2014, l’inauguration du Musée Camille Claudel à Nogent-sur-Seine, repoussée en 2015, puis en 2016, ne se fera pas avant 2017. « En l’état actuel, il n’y aura pas d’ouverture en 2016 » a confirmé le maire (DVD) Hugues Fadin au Journal des Arts.
Pour expliquer les raisons de ce retard, la municipalité a convié les Nogentais à une réunion publique le 17 mai. Pendant près de deux heures, l’architecte-expert diligenté par la mairie sur le chantier a égrainé une litanie d’observations constatées sur le chantier en janvier dernier. Parmi les 1 300 constatations, certaines sont anodines, d’autres moins. Ainsi, les retouches de menuiseries et de peintures sont plus que courantes dans ce type de chantier, mais la multitude des infiltrations d’eau, causées par des gouttières défaillantes, la sécurité antivol des œuvres, ou le système incendie et électrique ont été avancés pour expliquer le refus de la municipalité de prendre possession d’un chantier, qui empoisonne le débat politique local depuis plusieurs années. Surtout, 161 m2 manquent au décompte des géomètres, une donnée que la mairie compte bien monnayer pour conclure un arrangement financier. Mais « les problèmes sont remédiables » et « dans l’ensemble le musée est bien conçu » tempère l’expert Daniel Regnault, après cette longue liste un peu alarmante pour les néophytes de la construction.
Contentieux financier
De longue date, le maire actuel dénonce la signature d’un partenariat public privé (PPP) signé en 2012 (lire JdA 430), qui engage la municipalité à verser un million d’euros par an sur vingt-cinq ans au promoteur SNC Lavalin, à titre de loyer et de contrat de maintenance. De son côté, la société privée s’engage à construire le musée sur la base d’un cahier des charges en se chargeant entièrement de la maîtrise d’ouvrage.
« L’argument principal de la campagne (du maire actuel élu en 2014, ndlr) a été contre le financement », souligne Marie Rivière, conseillère municipale d’opposition. « On a l’impression, depuis, que la mairie avance à reculons sur le dossier », souligne-t-elle, alimentant les rancœurs entre nouvelle et ancienne équipe. Depuis une première proposition de mise à disposition du bâtiment, sans aucun doute prématurée, au milieu de l’année 2015, le dialogue entre SNC Lavalin et la municipalité s’est plus que tendu. Trois mises à disposition successives ont été refusées, en mai, juillet et décembre. Nogent-sur-Seine ne verse plus les loyers dus à partir de janvier 2015 à son partenaire, les provisionnant sur un compte. Ce contentieux financier devrait se résoudre au tribunal administratif, où une procédure est ouverte.
Voyant les retards s’accumuler et craignant un règlement de compte judiciaire, l’État vient de se saisir du dossier : en mai, le préfet a rencontré le maire et les représentants d’SNC Lavalin pour reprendre les discussions. Le 12 mai, après une entrevue, les deux parties se sont entendues pour une remise étape des levées de réserves émises en janvier. « Pour le moment, notre horizon est fixé au 1er juillet et nous sommes en attente d’une demande de visite sur le site par la société », explique Hugues Fadin. De son côté, SNC Lavalin a fait visiter le chantier aux élus d’opposition et argue de la clause du contrat qui l’engage à lever les réserves dans les six mois après prise de possession du bâtiment. Le promoteur veut prouver que depuis janvier, la grande majorité des réserves observées ont été corrigées, rendant possible la livraison en juillet.
Un musée sans capitaine
Mais pour le maire, « le calendrier est bouleversé ». Fin avril, la municipalité n’a pas renouvelé la mission de la conservatrice en charge du projet du musée, Françoise Magny, envoyant un signal négatif sur la dynamique d’ouverture : « il y a quelqu’un à la barre du musée, puisque in fine, c’est le maire qui décide », se défend-on à la mairie. Un appel à candidature pour le poste de conservateur vient d’être ouvert, mais sans mention que le déménagement et la finalisation du musée restent à faire. « Tout est prêt pour lancer le musée, mais vu les retards, on ne peut pas lancer la stratégie de communication », fait-on savoir à la mairie. Les missions sur les audioguides, la finalisation de l’identité visuelle, les vidéos de médiation sont en suspens et le site Internet, toujours en chantier. Françoise Magny se veut optimiste : « Nous avons obtenu des dépôts exceptionnels du Musée Rodin, de Bourdelle et des Arts décoratifs. Le PSC les a convaincus de la pertinence scientifique du Musée Camille Claudel », souligne-t-elle. « Nous sommes attendus au niveau national et international. Nogent peut attirer entre 35 000 et 55 000 visiteurs par an ! » Pour la conservatrice honoraire, l’ouverture du musée pourrait se faire à la fin de l’année, si la livraison est acceptée en juillet, mais la mairie vise déjà 2017.
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Le Musée Camille Claudel, le chantier de la discorde
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°458 du 27 mai 2016, avec le titre suivant : Le Musée Camille Claudel, le chantier de la discorde