Les dividendes versés par la Reader’s Digest Association, qui édite le célèbre magazine, ont longtemps bénéficié au Metropolitan Museum of Art de New York (lire le JdA n° 44, 26 septembre). Les difficultés rencontrées par le groupe de presse, dont le résultat d’exploitation devrait être déficitaire, rejaillissent donc sur le musée. Néanmoins, aucune mesure draconienne n’est encore envisagée. Par ailleurs, la collection de 8 000 œuvres d’art du Reader’s Digest, aujourd’hui affaibli, suscite les convoitises.
NEW YORK (de notre correspondante) - En raison d’un cours des actions languissant et d’un tirage en baisse, les pertes de la Reader’s Digest Association ne cessent de croître. Quelques grandes institutions culturelles, qui bénéficiaient des dividendes élevés versés par cette société, ont donc décidé de vendre leurs actions. Seuls le Metropolitan Museum et le Colonial Williamsburg, dont les fonds propres restent importants, prévoient de les conserver, dans l’espoir que le groupe de presse parviendra à remonter la pente. Pourtant, le Met est à court de liquidités. Le Lila Acheson Wallace-Reader’s Digest Fund, dont les actifs sont largement constitués d’actions Reader’s Digest, est son plus grand donateur. Or, lorsque le dividende distribué a été réduit de moitié en juillet 1997, passant de 1,80 dollar à 90 cents par action, le budget du Met pour l’année fiscale s’est trouvé amputé de 6,1 millions de dollars, soit 36,6 millions de francs (pour le Met et le Reader’s Digest, l’année fiscale s’étend du 1er juillet au 30 juin). La deuxième moitié de l’année fiscale 1998 est maintenant bien entamée, et, selon William Luers, président du musée, un déficit d’exploitation de 2 à 3 millions de dollars (12 à 18 millions de francs) est à prévoir cette année, alors que l’exercice 1997 s’était conclu sur un excédent de 2,1 millions.
De nécessaires économies
Il ajoute que le musée dispose d’une réserve de 5 à 6 millions de dollars provenant du Reader’s Digest, mais qu’il n’est pas question d’y toucher pour l’instant. Il faudra donc réduire les frais. Ainsi, le Met est en train de limiter les heures supplémentaires et les frais de voyage. Avec un budget d’exploitation annuel de près de 120 millions de dollars, “on peut toujours faire des économies”, a déclaré William Luers, ajoutant que le musée prenait son temps pour remplacer les postes qui sont, ou deviennent, vacants. “Nous employons 2 800 personnes. Avec un personnel adapté à nos besoins, nous pouvons supporter les coûts”. Si l’on en croit son président, la fréquentation du musée est forte et la boutique cadeaux réalise de bonnes recettes. Aucun licenciement n’a donc été décidé ni envisagé pour cette année. Cependant, certains employés à mi-temps ont été remerciés, mais il s’agirait plus de cas particuliers isolés que d’une politique générale de l’institution. Selon un conservateur du musée, qui souhaite garder l’anonymat, cette réduction des postes à mi-temps a été bien plus importante que ne le laisse entendre William Luers. À long terme, le Metropolitan poursuit son travail avec le cabinet d’experts-conseils McKinsey & Co. “Ils nous ont aidés à analyser certains des domaines sur lesquels nous travaillons et permis d’améliorer la gestion des achats par exemple. Nous appliquons les principes de base de l’économie moderne à notre grande entreprise”, explique M. Luers.
Des chefs-d’œuvre impressionnistes
L’importante collection d’art du Reader’s Digest est également sur la sellette. Dennis Doherty, directeur d’une petite banque d’investissement spécialisée dans l’art, essaie de convaincre le Reader’s de vendre les 8 000 pièces de sa collection, ou de les déposer en caution en échange de liquidités. Il aimerait mettre la main sur des tableaux impressionnistes et quelques autres, 75 à 80 des œuvres les plus intéressantes de la collection qu’il estime entre 100 et 125 millions de dollars (600 à 750 millions de francs). Mais la société de presse maintient que la collection n’est pas à vendre. Dennis Doherty, qui est en train de mettre en place un fonds pour les beaux-arts, a déclaré : “Je suis bien décidé à retourner les voir pour leur faire une offre ferme, et je m’emploierai à le faire savoir. S’ils refusent, j’espère qu’ils pourront prouver qu’en tant que maison d’édition, ils ont besoin de garder cette collection de 8 000 œuvres d’art pour la formation de leurs cadres.”
La plupart des œuvres de cette collection, commencée dans les années quarante par Lila Acheson Wallace, sont conservées au siège social du Reader’s Digest à New York, et dans ses bureaux du monde entier. Cet ensemble comprend des sculptures de Picasso, Giacometti et Lachaise, des pastels de Bonnard et Degas, des huiles sur toiles de Redon, Chagall, Gauguin et Modigliani, mais aussi trois paysages impressionnistes de Claude Monet (dont un tableau de la série des Nymphéas), ainsi que des tableaux, dessins et estampes des artistes du groupe de Bloomsbury, Vanessa Bell, Duncan Grant et Roger Fry. La maison et les jardins de Charleston, propriété de Vanessa Bell et Duncan Grant, situés dans le sud de l’Angleterre, ont d’ailleurs pu être restaurés grâce aux subventions du Lila Wallace-Reader’s Digest Fund.
L’accès à la totalité de l’article est réservé à nos abonné(e)s
Le Met à court de liquidités
Déjà abonné(e) ?
Se connecterPas encore abonné(e) ?
Avec notre offre sans engagement,
• Accédez à tous les contenus du site
• Soutenez une rédaction indépendante
• Recevez la newsletter quotidienne
Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°56 du 13 mars 1998, avec le titre suivant : Le Met à court de liquidités