L’exposition « Naissance d’un musée » présentée sur l’île de Saadiyat, à deux pas du futur Louvre d’Abou Dhabi censé ouvrir fin 2015, témoigne des ambitions universelles de l’émirat.
ABOU DHABI - Le doute avait envahi les esprits. La ministre de la Culture, Aurélie Filippetti, déplorait que son prédécesseur ait laissé le Louvre « manager » un projet qui relevait d’un accord intergouvernemental de trente ans. L’ancien occupant de la rue de Valois, Renaud Donnedieu de Vabres, signataire de cet accord pour la France en 2007, aux côtés du président Jacques Chirac et de l’ancien patron du Louvre Henri Loyrette, regrettait que l’Agence France-Muséums – censée monter divers projets de nature à valoriser l’ingénierie des musées français – se consacre exclusivement à l’élaboration de ce Louvre Abou Dhabi, alors qu’elle est aussi filiale de grands établissements tels que le Centre Pompidou, ou le Quai Branly. Pourtant, malgré la controverse suscitée à l’origine par ce Louvre des sables, malgré les retards et les tensions enregistrés par la suite, l’exposition « Naissance d’un musée » inaugurée à Abou Dhabi le 22 avril dernier, dévoilant 130 œuvres déjà acquises, a semble-t-il convaincu ou du moins rassuré les visiteurs émiratis, les personnalités politiques françaises et les patrons d’institutions culturelles présents sur place. Certes ces derniers étaient peu nombreux… Seuls les musées Guimet, des Arts décoratifs, et la Manufacture de Sèvres avaient envoyé leurs émissaires : en signe de désapprobation à l’égard d’un Louvre omniprésent ? « Pas en ce qui nous concerne, car nous avons déjà été associés au projet à plusieurs reprises », assure Stéphane Martin, président du Musée du Quai Branly, sans écarter totalement cette hypothèse pour d’autres.
Présentée sur l’île de Saadiyat, près du futur musée de Jean Nouvel dont le gros œuvre commence pour une ouverture espérée fin 2015, l’exposition ne manque pas d’arguments. Dans une scénographie sobre mais efficace, elle met en évidence les passerelles entre l’Orient et l’Occident, toutes époques confondues, grâce à une sélection de pièces aux influences parfois si riches que leur histoire entraîne dans un véritable périple à travers le monde. La première salle affiche d’emblée l’amplitude du Louvre d’Abou Dhabi : Anthropometrie d’Yves Klein – autoportrait de l’artiste et de sa femme plaquant leurs corps enduits de peinture bleue sur la toile – dialogue avec La princesse Bactiane, idole d’Asie centrale du IIIe siècle avant Jésus-Christ. « C’est un concentré de l’universalité voulue par les Émiratis », souligne Jean-Luc Martinez, le nouveau président du Louvre.
Œuvres disparates liées par leur universalité
Dans l’espace dédié au monde antique, voisinant avec un orateur romain et un Bodhisattva indien, une statuette en bronze d’Osiris semble là pour adresser un clin d’œil aux musées les plus prestigieux. Mais c’est dans la partie consacrée au sacré que l’émotion est la plus forte, avec ce Coran mamelouk placé à côté d’une Torah yéménite, ou ce Christ montrant ses plaies sculpté en Europe entre 1510 et 1520 côtoyant un Siva dansant d’Inde du sud et une figure animiste malienne du XIIIe siècle. « Les autorités d’Abou Dhabi ont voulu faire dialoguer cultures, civilisations, religions », souligne Laurence des Cars, directrice scientifique de l’Agence France-Muséums, en charge de conseiller les Émiratis pour la constitution de la collection. « Il n’y a eu aucune censure pour cet accrochage », affirme Mubarak Hamad Al Muhairi, le directeur de TDIC (Tourism Development and Investment Company), l’organisme en charge du développement culturel de l’Émirat, comme en témoigne ce tableau Vénus et nymphes au bain de Lagrenée.
Certes on peut regretter la place encore limitée accordée à la vision orientale, comparée à celle faite au regard occidental dans cette exposition. « Mais les œuvres retenues sont des points de repère forts de l’histoire de l’art », plaide Laurence des Cars. Et la collection est loin d’être achevée. La publication du catalogue va maintenant permettre aux chercheurs de débattre de la pertinence de cette collection. Le parcours se termine par un ensemble de panneaux de « pseudo-writing » de Cy Twombly rappelant la calligraphie, d’un bleu proche de celui de Klein. La boucle est bouclée.
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Le Louvre Abou Dhabi affiche ses ambitions
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°391 du 10 mai 2013, avec le titre suivant : Le Louvre Abou Dhabi affiche ses ambitions