Jean-Pierre Berghmans, président du comité exécutif du groupe Lhoist, a voulu profiter de la construction d’un nouveau siège à Limelette, près de Bruxelles, pour conforter la cohésion de sa multinationale « à travers un projet culturel d’avant-garde liant la vie industrielle à la vie culturelle ».
BRUXELLES - Issu d’une société familiale belge créée en 1889, le groupe Lhoist est devenu le premier producteur mondial de chaux et de dolomie et emploie 5 000 personnes à travers le monde. Les bâtiments du nouveau siège social ont été conçus et réalisés en deux ans. L’architecte belge Marc Corbiau a imaginé un bâtiment beaucoup plus large que haut, en verre et en granit brûlé, qui domine des étangs. Le Français François Ceria lui a succédé pour l’intérieur des lieux, où baies vitrées et boiseries s’alternent dans un univers blanc et gris propice à l’exposition des œuvres commandées ou acquises pour le site.
Dès l’origine, une petite équipe composée du président, du conservateur de la collection Jacqueline d’Amécourt et d’un conseiller, Pierre Apraxine, a présidé aux choix des œuvres. "J’ai pensé que ce projet inciterait les uns et les autres à s’ouvrir sur des mondes différents du leur, à les apprécier, à acquérir un regard nouveau et plus créatif", ajoute Jean-Pierre Berghmans.
Les murs du hall d’entrée ont été peints par Sol LeWitt (deux très grands Wall Drawings) et Richard Long (un Cercle de boue que complète un cercle de pierres choisies dans une carrière du groupe Lhoist). Un demi-étage plus haut, des photos d’Illa et Berndt Becher, liées comme toujours au monde industriel, ouvrent le couloir qui mène aux bureaux. La salle à manger du personnel est l’œuvre de Pierre Alechinsky. Il a peint directement sur la lave d’Auvergne trois grands panneaux horizontaux dans des bleus de Delft. Trois grandes toiles animent la salle à manger de la direction : un chien sur fond jaune de l’Anglais John Murphy, un Gerhard Richter et un tableau de George Baselitz qui renverse les maisons comme le Canadien Rodney Graham a inversé les six photos de ses Arbres de légende dans la salle du Conseil.
Les choix audacieux des femmes
La collection s’est constituée au début des années 90. Jacqueline d’Amécourt a voulu "choisir la photographie, ou plutôt l’appropriation de la photographie, par des artistes qui ne sont pas nécessairement des photographes, pour présenter un panorama international de l’art des années 90". Il y a donc plus de 80 % de photographies dans la collection. On y trouve les Allemands Gerhard Richter, Illa et Berndt Becher, Sigmar Polke, Thomas Struh et Andreas Gursky. Les Américains sont aussi très bien représentés : William Wegman, Richard Prince, Andreas Serrano, Bruce Nauman, James Welling, Louise Lawler, Cindy Sherman, Barbara Bloom, Laurie Simon et Sarah Charlesworth. Y figurent également le Canadien Jeff Wall, les Anglais Gilbert et George, Victor Burgin, Boyd Webb, les Suisses Peter Fischli et David Weiss, les Français Pierre et Gilles, Bustamante, Sophie Calle et Suzanne Lafont, les Belges Pierre Alechinsky et Isabelle de Borchgrave. L’ampleur de la collection – 250 œuvres – ne permet pas de rendre compte de chaque artiste représenté, mais il est intéressant d’évoquer ceux auxquels elle est destinée.
Visites et conférences sont organisées. Par ailleurs, chaque employé est invité à choisir dans la collection les œuvres qu’il souhaite avoir dans son bureau. Les femmes font, semble-t-il, les choix les plus audacieux. Monique Straet, la plus proche collaboratrice du président, a élu des draperies de James Welling. Le directeur des Ressources Humaines a retenu un John Baldessari intitulé le Ticket gagnant et un Cow-boy de Malboro par Richard Prince, au moment où le groupe Lhoist étendait ses activités aux États-Unis. Dans le bureau du président, des officiers chinois millénaires, un Michaux, un Miró et un Enzo Cucchi dialoguent au-dessus d’une table d’Andrée Putman. Choix artistiques qui reflètent ceux d’un groupe qui souhaite donner à une très ancienne industrie de base une image d’avant-garde ouverte sur d’autres mondes que les siens.
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Le groupe Lhoist, la cohésion par l’avant-garde
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°2 du 1 avril 1994, avec le titre suivant : Le groupe Lhoist, la cohésion par l’avant-garde