Coutumières du procédé, les éditions Diane de Sellier ont repris à leur compte un grand classique de la littérature japonaise, Le Dit du Genji (Genji monogatari), qu’elles ont associé à une iconographie contemporaine ou dont le sujet se réfère au texte.
Écrit au début du XIe siècle par Murasaki-shikibu (vers 973-1014), dame de la cour de Heian (actuelle Kyôto), l’ouvrage relate les amours du prince du Genji, en quête de la femme idéale. Dès le XIIe siècle, ce roman associant à une prose en langue vernaculaire de brefs poèmes en cinq vers, les waka, a constitué une source inépuisable d’inspiration pour les artistes. Il donna naissance à un genre, les « Genji-e », peintures narratives aux compositions complexes dont les couleurs chatoyantes étaient rehaussées d’or, d’argent ou de motifs délicatement dessinés. Quelque 520 Genji-e, datant du XIIe au XVIIe siècle, ont ainsi été sélectionnées pour agrémenter le roman millénaire. Une entreprise titanesque pour la maison d’édition qui réunit en un ouvrage des œuvres disséminées dans de nombreux musées, monastères ou collections privées du Japon, mais aussi dans les collections du monde entier, du Metropolitan Museum of Art à New York à la Chester Beatty Library de Dublin. « Nous avons cherché à aller au-delà des images emblématiques auxquelles on associe parfois les Genji-e. Nous avons suivi le roman, dans tous ses plis et replis, et cherché les peintures pouvant l’enluminer, au sens premier du terme, c’est-à-dire l’éclairer », précise Estelle Leggeri-Bauer, spécialiste de la peinture narrative japonaise, maître de conférences à l’Institut national des langues et civilisations orientales, à Paris, et auteure des nombreuses notices accompagnant les œuvres. C’est en effet dans l’association de motifs particuliers (un oiseau, une fleur, un instrument de musique) qu’il faut chercher la signification de chaque image et son rapport au roman. Véritables allégories des états d’âme, les Genji-e connaissent leur apogée au XVIe et surtout au XVIIe siècle (première partie de l’époque d’Edo), alors que le genre se diversifie : en témoignent les rouleaux monochromes, albums, paravents peints, kakemonos et éventails reproduits. Parmi ces œuvres, citons les peintures réalisées par Tosa Mitsunobu en 1509-1510, qui constitue la plus ancienne série complète identifiée à ce jour. Celle-ci est présentée en introduction aux 54 livres composant le roman, ainsi que l’ensemble peint par Tosa Mitsuyoshi en 1611 et 1612, conservé au Musée Kuboso à Izumi. Si Mitsunobu affiche un goût marqué pour les scènes d’amour et les passages poétiques, Mitsuyoshi illustre une grande variété d’épisodes : fêtes, activités courtoises, couples composant des waka, et scènes purement narratives dans un style particulièrement soigné et foisonnant de détails. Les fragments éparpillés d’une œuvre majeure du XVIIe siècle, dite le Rouleau des Jardins d’or, trouvent aussi leur place dans ce riche ensemble. Le lecteur pourra facilement se repérer grâce au petit livret annexe comprenant le résumé des 54 livres du Genji monogatari, une biographie des personnages, une chronologie, un plan de la ville de Heian et de ses principaux palais et résidences. Cette publication d’une grande rigueur est à la hauteur de ce monument de la littérature japonaise.
Depuis l’an dernier, les éditions Diane de Selliers rééditent également leurs luxueux ouvrages en des versions plus abordables. Ainsi du coffret La Fontaine, comprenant les Fables illustrées par Oudry et les Contes illustrés par Fragonard, dont la mise en page a été réadaptée aux exigences de ce format plus modeste.
- Le Dit du Genji de Murasaki-Shikibu illustré par la peinture traditionnelle japonaise, commentaires d’Estelle Leggeri-Bauer, éd. Diane de Selliers, 2007, 1 256 p. (3 vol. rel.), 480 euros, ISBN 978-2-903656-37-9. - Fables de La Fontaine illustrées par Oudry e et Contes de La Fontaine illustrés par Fragonard (deux ouvrages en un coffret), éd. Diane de Selliers (« La petite collection »), 2007, 984 p. (pour les 2 vol.), 120 euros, ISBN 978-2-903656-38-9.
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Le « Genji » illuminé
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°271 du 14 décembre 2007, avec le titre suivant : Le « Genji » illuminé