Architecture

La Cité de l’architecture et du patrimoine à pas comptés (part II)

Les moulages sont en cours de restauration

Par Jean-François Lasnier · Le Journal des Arts

Le 5 avril 2002 - 777 mots

Derrière les portes closes du Palais de Chaillot, des restaurateurs interviennent depuis trois ans pour remettre en état les moulages endommagés lors de l’incendie du Musée des monuments français en 1997, expérimentant à cette occasion de nouvelles techniques. Le point à mi-chemin de cette vaste et nécessaire entreprise.

Les étudiants de l’École du Louvre se souviennent des galeries glaciales, les jours d’hiver, du Musée des monuments français (MMF), où l’on venait découvrir les moulages à l’échelle des portails de Moissac, de Vézelay ou de Saint-Gilles-du-Gard, des sculptures de Claus Sluter à la chartreuse de Champmol ou des anges de la cathédrale de Reims. Face à ces reproductions en trois dimensions, il devenait soudain plus facile de distinguer les spécificités de l’art roman en Languedoc et en Bourgogne, etc. Depuis l’incendie qui a ravagé la toiture du pavillon en 1997, les galeries de Chaillot ont été désertées. Enfin, pas tout à fait, puisqu’une campagne de restauration des moulages a été entreprise il y a trois ans.

En 1999 et 2000, les assurances avaient versé 700 000 francs chaque année, et, depuis, l’État a pris la suite avec un montant comparable, qui permet de restaurer environ 110 moulages par an. “Il n’y avait plus de budget de restauration depuis trente ans”, rappelle Dominique de Font-Réaulx, conservatrice des moulages, afin de saluer la dynamique qui s’est mise en place. Pour obtenir des indemnités de la part des assurances, le plus difficile a été d’inscrire dans la déclaration de sinistre les moulages comme œuvres d’art. Comme quoi le débat sur la nature de ces objets n’est pas totalement gratuit. Pour 2003 et 2004, les deux années précédant la réouverture, 275 000 euros ont été demandés pour achever la restauration de l’ensemble des mille moulages qui seront présentés dans le futur Musée d’architecture. Il semble acquis par ailleurs qu’un budget d’entretien soit accordé pour la suite.

Avant d’entreprendre toute restauration, il a été nécessaire de procéder au séchage des moulages, détrempés pour certains lors de l’intervention des pompiers. Le séchage électrique étant trop coûteux, et qui plus est déconseillé par le Laboratoire de recherche des monuments historiques de Champs-sur-Marne, il a fallu laisser le temps faire son œuvre, pendant près de six mois. Certains moulages ont même été ouverts à la scie pour garantir un séchage uniforme.

À la fin de cette première étape, la plupart des plâtres victimes de l’eau sont apparus maculés de tâches provoquées par des remontées de tanin issues de structures en bois. Plusieurs équipes de restaurateurs ont alors été sollicitées pour expérimenter diverses méthodes. Paradoxalement, c’est la plus naturelle qui s’est révélée la plus efficace et la plus adaptée. Devant le portail de Charlieu, Dominique de Font-Réaulx explique que, “pour un moulage de cette taille, il fallait mettre en œuvre des techniques nouvelles : les restaurateurs ont constaté que l’argile en plaques absorbait les taches de tanin sans abîmer la patine”. Surtout, il a été possible de retrouver la patine originelle, rendant au plâtre la couleur blonde imitant la pierre utilisée dans le monument. Pour qui conserve le souvenir de moulages encrassés par des décennies de poussière, la découverte du portail de Charlieu restauré laisse imaginer l’allure de l’ensemble une fois achevée cette campagne.

Mais ce plâtre n’avait pas été le plus touché par le sinistre ; les plus exposés étaient ressortis complètement dépouillés de leur patine, “lessivés” en quelque sorte, à l’instar du Christ en majesté de Saint-Amour-Bellevue. Parfois, il a été indispensable de retirer toute la patine, car celle qui avait été appliquée autrefois empêchait l’eau de s’évaporer et menaçait la conservation de l’œuvre. C’était le cas du baldaquin de Toul et de la porte de la sacristie de Bourges. Comme le précise Dominique de Font-Réaulx, le référent pour la restauration, c’est le moulage, pas l’œuvre originelle, qui parfois a disparu, a été endommagée ou a été restaurée.

Par ailleurs, après le sinistre, le contenu des réserves a été déplacé dans les salles du musée, ce qui a donné lieu à d’intéressantes redécouvertes ; nombre de moulages y étaient entassés depuis la réorganisation de 1937. Pour la plupart, ces plâtres sont soit étrangers, soit liés aux arts décoratifs, et certains pourraient trouver leur place dans la future muséographie. Malheureusement, le public n’est pas près de découvrir ces moulages, car d’importants travaux sont programmés dès ce printemps.

À peine restaurés, les moulages monumentaux seront protégés par un coffrage, tandis que les plâtres “mobiles” seront déménagés temporairement à Sens.

- À lire : Le Musée de sculpture comparée : naissance de l’histoire de l’art moderne, Éditions du patrimoine, 2001, 160 p., 22,87 euros. Une cité à Chaillot, avant-première, Les Éditions de l’imprimeur, 2001, 120 p., 17,84 euros.

L’origine des collections

Inauguré en 1878, le Musée de sculpture comparée devient, soixante ans plus tard, le Musée des monuments français (MMF), en hommage à l’institution créée par Alexandre Lenoir sous la Révolution. La collection du MMF est le fruit de plusieurs campagnes de moulages, réalisées dans des optiques différentes. La première, de 1878 à 1892, est menée par Adolphe Victor Geoffroy-Dechaume, la seconde, de 1904 à 1920, par Camille Enlart, et la dernière, de 1938 à 1956, par Paul Deschamps. Si Enlart conserve l’idée d’un musée de modèles, il tend à multiplier les moulages dans un esprit encyclopédique, portant la collection en 1927 à 7 000 numéros. Lors de la transformation du pavillon du Trocadéro en 1937 pour l’Exposition internationale, de nombreux moulages avaient été détruits. Paul Deschamps avait alors entrepris un effort de rationalisation et de clarification dans la présentation et recentré l’institution sur l’art monumental français.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°146 du 5 avril 2002, avec le titre suivant : La Cité de l’architecture et du patrimoine à pas comptés (part II)

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