Corée du Sud - Biennale - Prix

La Biennale de Gwangju arrête son Prix Park Seo-Bo pour un motif politique

Par Rémy Jarry, correspondant en Asie du Sud-Est · lejournaldesarts.fr

Le 17 mai 2023 - 533 mots

GWANGJU / CORÉE DU SUD

Il est reproché à l’artiste coréen, âgé de 92 ans,  son silence pendant la dictature de Chun Doo-Hwan.

Manifestante contre le Prix Park Seo-Bo, le 8 avril 2023 devant le principal site de la Biennale de Gwangju © Rémy Jarry pour LeJournaldesArts.fr
Manifestante contre le Prix Park Seo-Bo, le 8 avril 2023 devant le principal site de la Biennale de Gwangju.
© Rémy Jarry pour LeJournaldesArts.fr

La fondation de la Biennale de Gwangju a décidé de mettre fin au Prix Park Seo-Bo pourtant lancé lors de l’inauguration de la 14e biennale le 6 avril dernier. Ce prix fut initié par Park Soe-Bo lui-même, figure de proue du mouvement Dansaekhwa, en accord avec la fondation. L’artiste a pris acte de la décision, tout en pointant la responsabilité de la biennale dans ce rétropédalage. 

La lauréate de cette première et dernière édition, l’artiste coréenne Oum Jeongsoon, garde les 92 000 euros de la dotation mais le solde du montant alloué par l’artiste (920 000 euros) pour les éditions suivantes jusqu’en 2040, va être reversé à la Fondation GIZI de Park Seo-Bo. Inspiré des Lions d’or de la Biennale de Venise, le principe d’un prix récompensant l’un des artistes de la biennale n’est pas pour autant abandonné. D’autres artistes coréens comme Nam Jun Paik (1932-2006) ou Oh Yoon (1946-1986) seraient envisagés pour l’incarner.

Même si quelques voix s’étaient élevées lors du vernissage de la biennale, la protestation a pris de l’ampleur au cours des dernières semaines. Le manque de consultation préalable par l’équipe de la biennale à l’échelle locale semble avoir stimulé l’opposition au prix. Les protestataires reprochent à Park Seo-Bo (né en 1931) son silence et absence d’engagement public concernant les exactions du dictateur Chun Doo-Hwan, le massacre du 18 mai 1980 de Gwangju en particulier. Certains considèrent que son esthétique minimaliste privilégiant une approche formaliste de l’art au détriment d’un message engagé serait incompatible avec l’esprit de la biennale. 

La biennale a été fondée en 1995 spécifiquement à Gwangju afin de célébrer la mémoire des milliers de victimes tuées et blessées lors de l’anéantissement du soulèvement démocratique de la ville par les forces armées du dictateur au lendemain de son coup d’État. La ville dispose de plusieurs lieux de commémoration de ce sombre épisode de l’histoire récente du pays ; le Jeonil Building 245 et le Cimetière National du 18 Mai comptent parmi les plus emblématiques. 

D’abord condamné à mort en 1996, Chun Doo-Hwan a vu sa peine commuée en prison à vie en 1997 avant d’être finalement gracié. Le dictateur n’a cependant jamais exprimé de regrets quant au massacre du 18 mai 1980 jusqu’à sa mort en 2021. Pire, il a remis en cause la parole des victimes dans ses mémoires qu’il a tenté de publier à partir de 2017.

Ces blessures sont revenues au cœur de l’actualité en mars 2023 avec la visite de Chun Woo-Won, l’un des petits-fils du dictateur, à Gwangju. Isolé au sein de sa propre famille, il a présenté des excuses personnelles pour les crimes commis par son grand-père. Celles-ci furent relativement bien reçues par les survivants du massacre et les familles des victimes. A noter, que le jeune homme de 27 ans est actuellement poursuivi par les autorités coréennes pour consommation illégale de drogues.

Très attachée à la biennale, les habitants de Gwangju demeurent soucieux d’en conserver l’esprit et de contrôler le message qu’elle se doit de véhiculer ; un enjeu clé pour Nicolas Bourriaud, prochain commissaire de la biennale prévue en septembre 2024. 
 

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