PARIS
Le président de l’IMA s’interroge sur le manque de débats dans la société autour des récentes commandes publiques, tel « L’Arc de triomphe empaqueté » par Christo.
Je méditais. Qu’est-ce qui fait que, quelques années plus tôt, une commande publique à Daniel Buren – les fameuses « colonnes » – suscitait, on n’a pas de mots assez forts pour le dire, vociférations, hurlements, insultes, calomnies… Alors qu’aujourd’hui il y a une espèce d’unanimité que l’on peut interpréter de diverses manières. On peut se dire que c’est le signe que l’art contemporain est entré dans les têtes ou qu’il suscite moins de crispations. Ou que l’art contemporain s’est banalisé, normalisé, jusqu’à dire « marchandisé ». Où sont les débats culturels aujourd’hui ? La société, les communautés artistiques et culturelles sont plutôt muettes. À l’époque elles s’exprimaient avec vigueur, aujourd’hui c’est étale. On peut s’en réjouir, dire « après tout, pourquoi pas ». Ce n’est pas le climat qui me plaît le plus. Je ne suis pas fanatique des polémiques. Mais j’aime un peu de mouvement. Et je m’étonne que personne ne s’interroge sur ce sujet. J’espère que l’œuvre de Buren restera à l’Élysée.
En son temps, l’emballage du Pont-Neuf avait provoqué beaucoup de controverses, moins violentes que pour les colonnes de Buren, mais quand même. La Ville de Paris et son maire de l’époque, Jacques Chirac, étaient totalement contre. L’Arc de triomphe, c’est pourtant le monument national par excellence, un lieu patriotique ! Même ceux qui, parmi les intellectuels, montent habituellement au créneau comme Alain Finkielkraut sont muets. Je me réjouis naturellement de ce consensus pour Christo. Mais là aussi, y a-t-il un ramollissement de l’esprit public ? J’ai connu Christo et sa femme bien avant le Pont-Neuf. J’ai soutenu leur projet d’emballage du palais du Reichstag auprès du chancelier Kohl. Je dois dire que le Pont-Neuf se prête peut-être mieux que l’Arc de triomphe à ce type d’intervention. Celui du Pont-Neuf avait cette vertu de mettre en exergue les lignes. C’est un peu moins poétique avec l’Arc de triomphe, il n’y a pas l’eau, il n’y a pas le fleuve. C’est néanmoins impressionnant et spectaculaire.
L’IMA et son président ne devraient-ils pas davantage s’exprimer dans le contexte actuel, peu favorable aux musulmans et aux Arabes ?
Il faut garder son calme et sa sérénité et résister aux hystéries du moment. Nous devons répondre par des expositions, des débats. J’observe que dans une grande démocratie, l’Allemagne, s’est déroulée une campagne électorale pendant des mois sans que, à aucun moment, les partis républicains aient mis en avant la question de l’immigration ou de l’islam. Que chacun fasse son boulot aussi. Que les partis politiques s’intéressent un peu plus à la culture. Avez-vous lu la moindre parole, le moindre écrit, le moindre paragraphe, dans un programme des divers candidats, sur la culture ou sur la science ?
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Jack Lang : « Où sont les débats culturels ? »
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°575 du 15 octobre 2021, avec le titre suivant : Jack Lang, président de l’Institut du monde arabe : « Où sont les débats culturels ? »