Art contemporain - Mécénat

Hermès versus Chanel

Par Sophie Flouquet · Le Journal des Arts

Le 3 janvier 2008 - 644 mots

H Box et Chanel Mobile Art : les deux maisons de luxe font leur percée dans l’art contemporain. Mais la frontière entre mécénat et communication reste inframince.

Assiste-t-on à l’émergence d’une nouvelle forme de mécénat dans le domaine de l’art contemporain ? Deux initiatives proches viennent, en effet, d’être lancées par des poids lourds de l’industrie du luxe français, Hermès et Chanel. Chacune a financé un projet d’exposition nomade abritée dans un pavillon d’architecture d’avant-garde et circulant entre les grandes capitales internationales, fréquentées par la clientèle du luxe. Le coup d’envoi a été donné par Hermès  avec sa H Box, présentée depuis la fin novembre 2007 dans les sous-sols du Centre Pompidou, à Paris. Posée tel un ovni, la petite boîte en aluminium composite de 6,5 x 5 m a été conçue par l’architecte français Didier Fiuza Faustino. À l’intérieur, un écran géant permet la diffusion de huit vidéos d’artistes, commandées spécifiquement par Benjamin Weil, directeur d’Artists Space à New York, chargé de cette opération. Quatre nouvelles vidéos seront commandées chaque année, au gré du périple de la H Box. Démontable et transportable dans deux containers, cet espace de projection itinérant poursuivra sa route pendant au moins trois années, dans différentes institutions : Musac (Museo de Arte contemporaneo de Castilla Y Leon) à Leon (Espagne), Mudam (Musée d’art moderne Grand-Duc Jean) à Luxembourg, Tate Modern à Londres, Biennale de Yokohama (Japon)... « Cette initiative n’était légitime que si elle était reconnue par des institutions internationales », souligne Pierre-Alexis Dumas, directeur artistique de Hermès. L’entreprise est donc productrice de la H Box, mais pas des expositions montées dans les musées autour de ce projet. Pierre-Alexis Dumas revendique cette opération comme un acte de mécénat, destiné à mettre en avant les liens existant entre création contemporaine et arts appliqués et à moderniser l’image d’une entreprise perçue comme trop traditionnelle. « Il faut favoriser l’émergence de la créativité, car le vrai danger, c’est que ce soit la loi du marché qui dicte la création », poursuit ce dernier. Une liberté totale a donc été laissée aux artistes pour la réalisation de leur œuvre vidéo, rétribuée 25 000 euros. Le coût global de l’opération n’a néanmoins pas été communiqué.

La Chanel mobile
Du côté de la rue Cambon, le projet, d’une autre échelle, a été envisagé différemment. « Chanel a toujours été une marque audacieuse, voire iconoclaste, une marque qui aime surprendre en innovant, en créant l’événement, explique Bruno Pavlovsky, président des Activités Mode. Au même titre que la mode s’exprime à travers des collections aux décors spectaculaires, la haute joaillerie autour de lancements impressionnants ou encore le N°5 par le biais d’actrices et de réalisateurs mondialement connus, nous voulions donner à un autre élément phare de notre patrimoine, le sac Chanel, son propre moyen d’expression. » Conçu par la star de l’architecture, l’anglo-irakienne Zaha Hadid, et présenté dans le cadre de la Biennale de Venise en juin 2007, le pavillon du Chanel Mobile Art accueille sur 700 m2 une exposition conçue par Fabrice Bousteau, directeur de la rédaction de Beaux-arts magazine. Mais les vingt artistes retenus ont été priés de se plier à un cahier des charges précis : concevoir une œuvre inspirée du célèbre sac matelassé. Le résultat final est celui d’un montage vidéo en trois dimensions associant les différentes propositions. Lui aussi démontable, le pavillon débutera son parcours international en 2008 à Hongkong et il faudra attendre 2010 pour le voir s’installer à Paris. Mécénat versus communication ? « Opération d’image », préfère répondre Bruno Pavlovsky, pour un budget « équivalent à celui d’une grande campagne de communication. Ces deux projets très différents prouvent que le concept de nomadisme est aujourd’hui vraiment dans l’air du temps ! ». Quant à savoir qui aura copié l’autre sur cette idée de capsule voyageuse destinée à redorer leur image de créativité, les deux maisons se renvoient la balle...

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°272 du 4 janvier 2008, avec le titre suivant : Hermès versus Chanel

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