Faire le mur

Par Frédéric Bonnet · Le Journal des Arts

Le 1 juillet 2014 - 422 mots

La Maison rouge célèbre ses 10 ans avec une proposition audacieuse qui dévoile la collection de son fondateur.

« C’est une drôle d’expo », prévient d’entrée Antoine de Galbert, avec aux lèvres le sourire de celui qui vient de réussir un bon coup. Et en effet, c’est un bon coup, ou en tout cas une proposition qui interpelle.

Jusque-là rétif à la dévoiler, le fondateur de la Maison rouge, à Paris, qui a déjà exposé en ses murs de nombreuses collections privées, s’est résolu pour les 10 ans de sa fondation à révéler des pans de la sienne. Un accrochage thématique ? une proposition pensée par un commissaire invité ? une mise en avant de certains de ses artistes ou courants fétiches ? Rien de tout cela mais une exposition incluant l’aléatoire grâce à un logiciel informatique développé pour l’occasion par un ingénieur !
Avec pour point de départ la volonté de montrer seulement des travaux qui s’accrochent au mur, ont été entrées dans le programme les dimensions de toutes les œuvres ainsi que les cotes de tous les murs de la Maison rouge. La machine en a sorti un long « ruban » parcourant les lieux, organisé de la manière la plus rationnelle qui soit en maximisant le potentiel d’accrochage. Ce sont au final 917 œuvres et 1 200 cadres de 458 artistes qui se déroulent sur 278 mètres de cimaises. Le regard saute de photographies d’explosions atomiques à une patate géante d’Erwin Wurm sortant du mur, et croise Andres Serrano, Miriam Cahn, Marcel Dzama ou Dorothea Tanning…

Évacuant les questions de notoriété, valeur, courants, l’expérience remet en cause les réflexes de la lecture d’une exposition. Mais ne débouche-t-on pas sur un trop-plein qui, finalement, ne serait que vide à force de non-choix, tout en niant l’engagement que représente justement le fait de faire des choix ? Nullement, et c’est là que l’aventure devient passionnante. Car si le regard se perd dans la masse, il est aussi accroché, sans logique apparente, par certaines œuvres. Se révèlent à lui des inconnus ou se confirment des intérêts.

Surtout, à force de récurrences ou de divergences esthétiques, l’exposition délivre des clefs quant aux univers qui entourent Antoine de Galbert, à ses goûts et au flux permanent, visuel et intellectuel, que constitue l’acte de collectionner. Se lit alors une sélection manifestement rétive aux effets de mode et de marché, marquée par les dérèglements du monde et les paradoxes qui le gouvernent, l’étrangeté et le non-conformisme, et un attrait pour l’humour noir venant contrebalancer la violence.

LE MUR. ŒUVRES DE LA COLLECTION ANTOINE DE GALBERT

Jusqu’au 21 septembre, La Maison rouge, 10, bd de la Bastille, 75012 Paris, tél. 01 40 01 08 81, www.lamaisonrouge.org, tlj sauf lundi-mardi 11h-19h, jeudi 11h-21h. Catalogue, coéd. La Maison rouge/Fage éditions, Lyon, 124 p., 38 €.

Légende photo
Projet le mur, 2014, -® DR la maison rouge

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°417 du 4 juillet 2014, avec le titre suivant : Faire le mur

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