Absence d’équivalence des diplômes, problèmes statutaires, réticences d’élus bailleurs de fonds : les écoles supérieures d’art ont tenu dans l’inquiétude, les 6 et 7 avril, leurs premières Assises nationales.
Il y avait la foule des grands jours à Rennes, les 6 et 7 avril, pour assister aux toutes premières Assises nationales des écoles supérieures d’art. Directeurs, enseignants, élèves mais aussi élus locaux et représentants de l’État étaient venus en nombre pour débattre de l’avenir des cinquante-sept écoles d’art françaises, qui forment plus de dix mille étudiants par an dans le cadre d’un cursus de trois à cinq années. Un réseau qui fait depuis quelques années l’objet de préoccupations légitimes, comme en témoigne le souhait initial de l’Association nationale des directeurs d’écoles d’art (ANDEA) et de la Coordination nationale des enseignants des écoles d’art (CNEEA) de baptiser ces rencontres « États généraux ». La volonté de concertation affichée par le ministère de la Culture et de la Communication en réponse à la pétition adressée le 8 mars par ces deux organismes aura permis de modérer l’offensive.
Les attentes portent en effet sur trois questions cruciales pour l’avenir de ces écoles : le statut des établissements, celui de ses enseignants et, enfin, la reconnaissance des diplômes dans le cadre d’une intégration au système européen « LMD » (licence, mastère, doctorat). Sur ce dernier point, il s’agit d’obtenir le grade de mastère pour le Diplôme national supérieur d’expression plastique (DNSEP), délivré au terme de cinq années d’études. Avec, en préalable, l’inscription des écoles d’art au livre VII du Code de l’éducation, consacré aux établissements d’enseignement supérieur. À ceux qui s’interrogent toutefois sur l’importance qu’accordent les artistes et le milieu professionnel aux diplômes, Jean-Pierre Simon, président de l’ANDEA et directeur de l’École supérieure d’art de Grenoble, a rappelé que « si ces diplômes importent peu dans les faits, ils comptent pour les étudiants, dans un contexte de mobilité et d’internationalisation des formations ».
Les questions statutaires demeurent toutefois un sujet aux conséquences bien plus préoccupantes. « Les lois de décentralisation de 1982 prévoyaient une responsabilité de l’État sur toutes les écoles d’art, ce qui n’a pas été le cas », précise Patrice Béghain, adjoint à la culture (PS) de la Ville de Lyon et membre du Comité de pilotage des assises. Seules sept écoles bénéficient aujourd’hui du statut d’école nationale, dont celle de Lyon, qui est pourtant financée à plus de 90 % par la Ville ! Pour les autres, relevant d’un statut territorial, elles sont le plus souvent gérées en régie directe par les municipalités, qui les financent parfois à plus de 97 %. Jusqu’à présent, cette précarité statutaire n’avait pas eu de conséquences négatives. Mais la décision prise par Jean-Paul Alduy, maire (UMP) de Perpignan, de sa volonté de fermer l’École supérieure des arts de la Ville (ESAP) dès la rentrée prochaine a provoqué la stupeur au sein du réseau des écoles d’art. Annoncée courant mars par un entrefilet dans le quotidien local L’Indépendant, cette décision, motivée par une « visibilité insuffisante de l’établissement », s’est répandue comme une traînée de poudre lors des assises. Face à la mobilisation, le maire aurait suspendu cet acte à la volonté de la Région et du département de mettre au pot dans le cadre d’un établissement public de coopération culturelle (EPCC) – un statut qui permet d’associer l’État et les collectivités locales dans la gestion d’un service public. Si le Sénat a voté le 28 mars une modification de la loi sur les EPCC, qui autoriserait l’utilisation de cette structure dans le cas des écoles d’art, le débat n’a pas encore été porté devant l’Assemblée nationale. Tout le monde s’accorde toutefois sur le fait que l’EPCC obligerait l’État à prendre ses responsabilités, « car les élus ne veulent plus être uniquement des payeurs, précise Cécile Marie, présidente de la CNEEA, et le problème est aussi celui du désengagement de l’État ».
Tutelle pédagogique
« La question est de savoir ce que l’on veut pour nos écoles d’art, renchérit Patrice Béghain, car ce qui est intolérable, ce sont les discriminations qui existent entre toutes ces écoles ». En effet, un décret du 23 décembre 2002 est venu réformer le statut des seules écoles nationales, devenues des établissements publics à caractère administratif (EPA). Avec pour conséquence de générer une inégalité patente entre les enseignants du cadre national et leurs collègues territoriaux, en termes de salaires mais surtout d’évolution de carrière, pour un travail équivalent. Il serait donc urgent que le ministère de la Culture et de la Communication, qui assure la tutelle pédagogique des écoles d’art, prenne en main avec vigueur ce dossier. Le ministre de la Culture n’a toutefois pas fait le déplacement aux assises et a laissé le soin à son délégué aux Arts plastiques, Olivier Kaeppelin, de préciser les choix stratégiques du ministère. Qui se sont limités à l’annonce de la création d’une Commission nationale des écoles d’art…
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Des écoles d’art debout face aux incertitudes
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°236 du 28 avril 2006, avec le titre suivant : Des écoles d’art debout face aux incertitudes