THUNDER BAY / CANADA
La police a arrêté huit personnes soupçonnées d'avoir contrefait des milliers d'œuvres d'art attribuées à Norval Morrisseau.
Huit personnes ont été arrêtées dans l'Ontario (Canada), tous membre d'un réseau qui produisait et vendait des peintures faussement attribuées à l'artiste autochtone Norval Morrisseau (1932-2007). Les suspects font face à 40 chefs d'accusation liés à la falsification, la fraude et à l'organisation criminelle, selon les informations communiquées par la police provinciale de l'Ontario la semaine dernière. Les arrestations, effectuées début mars, marquent l'aboutissement d'une enquête de plusieurs années.
Considéré par beaucoup comme le père de l'art contemporain indigène au Canada, Norval Morrisseau était un membre de la nation Anichinabé. Son travail artistique fusionnait références à l’histoire indigène, symboles mystiques et messages politiques dans des peintures aux couleurs vibrantes. À sa mort en décembre 2007, Morrisseau a laissé derrière lui une œuvre riche et apparemment abondante, dont l'authenticité reste toutefois un peu trouble.
L'enquête sur les fausses œuvres de l'artiste a commencé en 2019, lorsque le détective Sargent Jason Rybak de la police de Thunder Bay, au nord-ouest de l'Ontario, a regardé un documentaire intitulé There Are No Fakes, qui raconte l'histoire de Kevin Hearn, musicien du groupe de rock canadien Barenaked Ladies, qui avait acheté un prétendu tableau de Morrisseau dans une galerie de Toronto en 2005. Des questions ont été soulevées quant à l'authenticité du tableau, et le musicien a fini par poursuivre la galerie. À l'époque, la plainte avait été rejetée par un tribunal local, mais le documentaire montrait l'existence d'un réseau de faussaires qui avait probablement produit l’œuvre en question, et suggérait qu'elle pouvait avoir été créée par des faussaires « amateurs ». En septembre 2019, la Cour d'appel de l'Ontario a annulé la décision rendue dans l'affaire Hearn et la rockstar a reçu 60 000 dollars de dédommagement.
Peu de temps après, les policiers ont obtenu un mandat pour perquisitionner le domicile d’un des suspects. Là, ils ont commencé à saisir des tableaux les uns après les autres, mettant au jour des contrefaçons d’une ampleur qu’ils ne soupçonnaient pas. Huit personnes ont finalement été inculpées, dont un neveu de l’artiste défunt. Les suspects représentent trois groupes différents de faussaires. Le premier a été créé en 1996, tandis que les autres l'ont été respectivement en 2002 et 2008. Les trois groupes ont parfois collaboré ensemble.
La police estime que Norval Morrisseau constituait une cible facile, parce que c’était un artiste important et prolifique, qui ne tenait pas d’inventaire de ses tableaux. Les faussaires « connaissaient son style de vie », selon le policier Rybak. Ils savaient notamment que Morrisseau pouvait utiliser ses tableaux comme monnaie d’échange, avec des commerçants par exemple.
Pour distinguer les faux, l'équipe d'enquêteurs a auditionné de nombreux témoins, notamment issus de groupes autochtones, pouvant fournir des informations sur les œuvres. Au total, les enquêteurs ont saisi plus de 1 000 fausses œuvres d’art attribuées à Morrisseau chez des collectionneurs, des galeries et des musées. Certaines avaient été achetées pour des dizaines de milliers de dollars. Et il est probable qu'il existe encore beaucoup d'autres faux. La police canadienne suggère qu'il pourrait y en avoir dix fois plus en circulation sur le marché que d'œuvres d'art authentiques.
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Démantèlement au Canada d’un vaste trafic de faux tableaux d’un peintre autochtone
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