Depuis quelque temps, l’œuvre de Francis Picabia fait l’objet d’une attention renouvelée et soutenue. La monographie que lui consacre Carole Boulbès témoigne à son tour de sa fortune paradoxale.
Mieux qu’aucun autre, Francis Picabia a reflété sa vie durant les contradictions irréductibles de son époque. Il fit du Dadaïsme les prémices d’une dissidence qu’il n’a eu de cesse de réactualiser dans une œuvre polymorphe, souvent provocante, toujours convaincante par sa capacité de révélation. Comme son compère Marcel Duchamp, dont il fut le double désinvolte et généreux, Picabia a pris l’érotisme, omniprésent de ses premiers dessins aux dernières peintures abstraites, comme ligne de fuite d’une œuvre beaucoup plus complexe qu’il n’y paraît. Sans craindre d’être explicite ou obscène, il a forcé les frontières du goût et du jugement. Les portraits de femmes des années quarante, récemment exposés au Musée de Grenoble, constituent évidemment la plus spectaculaire tentative de transcender la pornographie d’images photographiques par la peinture.
Une place centrale dans l’imaginaire contemporain
Dans son essai aux accents parfois scolaires, Carole Boulbès reprend les termes essentiels du dossier, retraçant les développements sinueux d’un artiste qui, dans un même geste, pouvait exalter et dénigrer la peinture, la rendre aussi bien sublime que ridicule. C’est évidemment par cette contradiction, poussée à ses extrêmes, que Picabia retrouve aujourd’hui, et pas uniquement sous les espèces de la citation directe, une place centrale dans l’imaginaire contemporain. Mais il faudrait sans aucun doute inventer une nouvelle approche de l’homme et de l’œuvre pour parvenir à déchiffrer la succession de masques disposée par Picabia. Ce livre a le mérite de rappeler un certain nombre de faits ; il ne traduit cependant pas les enjeux encore obscurs d’un revival qui est en lui-même un phénomène déstabilisant.
Carole Boulbès, Picabia, le saint masqué, éditions Jean-Michel Place, 160 p., 160 F. ISBN 2-85893225-2.
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Carole Boulbès, Picabia, le saint masqué
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°72 du 4 décembre 1998, avec le titre suivant : Carole Boulbès, Picabia, le saint masqué