Né en 1953 à Saint-Gall, en Suisse, Bernhard Mendes Bürgi a suivi des études d’histoire de l’art, d’histoire de l’architecture et de littérature allemande à l’université de Berne. Il a obtenu son doctorat en 1981 après une thèse sur les Livres 1972-76 de l’artiste Markus Raetz. Il a été directeur délégué du Kunstmuseum de Winterthur de 1981 à 1985, avant de diriger la Kunsthalle de Zurich (1990-2001). Il est, depuis 2001, directeur de la collection publique d’art de Bâle qui comprend le Kunstmuseum (Musée des beaux-arts) et le Museum für Gegenwartskunst (Musée d’art contemporain). Bernhard Mendes Bürgi commente l’actualité.
Bâle accueille la plus importante foire d’art moderne et contemporain au monde. Est-ce un atout pour le Kunstmuseum de Bâle ?
Cet événement est très important pour nous parce que toute la scène artistique internationale vient à ce moment-là à Bâle. Les gens apprécient le fait qu’il existe dans cette ville une grande tradition artistique. Ils viennent visiter le musée, voir les expositions, mais aussi la collection. Nous travaillons très bien avec la foire et juin est toujours un moment important pour nous.
Concevez-vous un programme spécifique pour cette semaine-là ?
Nous essayons toujours de proposer un projet important. Cette année, il s’agit de l’exposition « Holbein ». Nous possédons dans la collection du musée le plus grand ensemble au monde d’œuvres de l’artiste et notre exposition est très importante, également d’un point de vue international.
Votre budget d’acquisition a baissé cette année de 20 %, alors que les prix continuent d’être très élevés sur le marché de l’art. Comment un musée comme le vôtre peut-il encore enrichir sa collection ?
Nous possédons une collection de vieux maîtres de première importance, ainsi qu’un bel ensemble d’art moderne. Il est certain qu’il est difficile aujourd’hui pour nous de les compléter. La plupart de nos efforts sont donc concentrés sur l’art contemporain, dans la grande tradition du musée d’être attentif à l’art le plus actuel et d’acheter très tôt. Nous essayons aussi de réserver une partie du budget pour des acquisitions de vieux maîtres en collaboration avec des privés. Nous avons pour partenaires des fondations privées qui font des acquisitions, en particulier la Fondation Emanuel-Hoffmann. Cette fondation achète depuis les années 1930 de l’art contemporain. Ensemble, nous avons toujours des possibilités, mais nous devons être malins dans le choix de nos acquisitions. Il est évident cependant que nous ne pouvons plus acheter de Picasso, par exemple.
Quelles ont été vos dernières acquisitions ?
Nous avons acheté des installations lumineuses d’Olafur Eliasson, une série de Date Paintings d’On Kawara, plusieurs peintures de Bernard Frize, un groupe d’œuvre de Louise Lawler, de Richard Prince… Nous avons aussi acquis des Gursky avec l’aide d’une fondation. Nous sommes assez actifs.
La part de financements privés est de plus en plus importante dans les musées publics. Comment fixez-vous la frontière entre ce qui est acceptable et ce qui ne l’est pas ?
À Bâle, il existe une longue tradition d’échanges entre l’institution et les privés. Nous avons toujours reçu des cadeaux extraordinaires, mais aussi des dépôts, ainsi de la part de la Fondation Emanuel-Hoffmann. Nous nous concentrons sur des partenariats très solides. Il est important que l’institution reste vraiment publique. Dans certains autres modèles, les collectionneurs privés ont une influence beaucoup plus grande que chez nous. L’aspect public à Bâle reste une tradition.
Il existe à Bâle une offre de plus en plus importante de musées depuis l’ouverture de la Fondation Beyeler et du Schaulager. Dans ces conditions, n’est-ce pas plus difficile de convaincre les mécènes ?
Le Schaulager accueille les réserves de la collection de la Fondation Emanuel-Hoffmann. Et ce sont le Kunstmuseum ou le Museum für Gegenwartskunst qui montrent ces œuvres. Le Schaulager et le Kunstmuseum travaillent vraiment en collaboration. Le premier organise une exposition tous les ans en dehors du partenariat que nous avons établi. De son côté, la Fondation Beyeler est une institution privée très forte. Avant de venir à Bâle, j’ai travaillé à Zurich et j’ai toujours pensé que la concurrence était bénéfique. À Paris, les musées sont aussi en compétition et cela pousse chacun à travailler avec intensité, émotion… Pour les Parisiens, le fait que l’offre bâloise soit riche les pousse certainement à faire le voyage.
Le Kunstmuseum a subi plusieurs tranches de travaux ces dernières années. Un grand projet d’extension du musée est également en projet. Où en est-il aujourd’hui ?
Nous avons reçu en cadeau l’ancien bâtiment de la Banque nationale suisse dans lequel nous avons transféré toute l’administration, l’institut d’histoire de l’art de l’université et la bibliothèque. Nous voulons maintenant aménager, dans les espaces libérés de l’ancien bâtiment, un nouveau café, une nouvelle librairie et des espaces d’exposition. Nous prévoyons aussi une extension pour créer des espaces destinés aux expositions temporaires. Jusqu’à aujourd’hui, nous devons décrocher en effet la collection permanente et mettre des œuvres importantes en réserve afin de libérer de la place pour ces événements.
Où serait construite cette extension ?
Je ne peux pas encore le dire précisément. Nous travaillons pour trouver une solution parfaite, mais il est trop tôt pour en dire plus. Tout est encore ouvert.
En France, nous assistons à une nouvelle prise de conscience de la scène française avec notamment l’exposition « La Force de l’art », présentée au Grand Palais. Dès le début des années 1990, vous avez exposé des artistes français quand vous étiez directeur de la Kunsthalle de Zurich, en particulier Bernard Frize en 1993. Quelle vision avez-vous aujourd’hui de la scène française ?
Elle est devenue plus intéressante sur un plan international. Je trouve par exemple que Bernard Frize est un peintre extraordinaire. Pierre Huyghe est aussi un artiste que j’estime beaucoup et dont nous avons acheté quelques-unes des œuvres. La scène française est devenue dans son ensemble plus dynamique. À la Kunsthalle de Zurich, j’ai organisé beaucoup d’expositions de jeunes artistes, mais aujourd’hui mon travail est un peu différent et je manque de temps pour explorer la très jeune scène. Mais cela m’intéresse toujours.
Une exposition vous a-t-elle marqué dernièrement ?
J’ai beaucoup aimé « Pierre Bonnard », présenté au Musée d’art moderne de la Ville de Paris. Cette exposition était extrêmement bien faite, dans le choix des œuvres, l’accrochage… J’ai aussi trouvé extraordinaire la manifestation « Dada » au Centre Pompidou. Je dois dire que c’est vraiment étonnant tout ce que l’on peut voir à Paris en même temps !
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Bernhard Mendes Bürgi, directeur des collections publiques de Bâle
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°239 du 9 juin 2006, avec le titre suivant : Bernhard Mendes Bürgi, directeur des collections publiques de Bâle