Alfred Pacquement est directeur du Musée national d’art moderne – Centre de création industrielle, depuis le 1er septembre 2000. Il vient aussi d’être le commissaire de l’exposition de Richard Serra au Grand Palais dans le cadre de « Monumenta ». Il commente l’actualité.
Comment les équipes du musée vont-elles se réorganiser avec les prochains départs ?
Depuis que j’ai pris mes fonctions en 2000, à peu près de la moitié de la conservation a changé. Certains sont partis pour de nouvelles fonctions, d’autres à la retraite. Nous devons faire venir de plus jeunes conservateurs. Sont récemment arrivés Emma Lavigne, Clément Chéroux et Angela Lampe. Par ailleurs, j’ai pensé que c’était l’occasion de redéfinir le fonctionnement de la direction du musée par rapport aux missions qui s’élargissent avec l’extension des projets du Centre hors les murs. J’ai voulu réorganiser l’équipe en nommant trois directeurs adjoints, et en définissant pour chacun une fonction correspondant aux grands domaines de l’activité du musée. Ces trois secteurs sont les collections dans tous leurs aspects (prêts, accrochage) ; la programmation au sens large dans et hors les murs, nationale et internationale ; et enfin le Centre de création industrielle (CCI) avec, au-delà de l’architecture et du design, une réflexion sur les grands enjeux de société. Pour chacun de ces secteurs, j’ai proposé la nomination de trois directeurs adjoints, respectivement Isabelle Monod-Fontaine, Didier Ottinger et Frédéric Migayrou. La création industrielle recouvrira la prospective industrielle, en parallèle au secteur que j’avais créé à mon arrivée sur la prospective contemporaine. Elle sera un observatoire des nouvelles technologies, des problématiques socioculturelles telles que le CCI les a traitées dans le passé et qui ont été laissées de côté du fait de la concentration sur les collections et les expositions plutôt monographiques. Je suis très heureux que des conservateurs du Centre Pompidou, Laurent Le Bon et Catherine Grenier, pilotent les projets des Centre Pompidou-Metz et Alma [au sous-sol du Palais de Tokyo, à Paris, n.d.l.r.] car cela donne une cohérence à l’ensemble.
Allez-vous recruter davantage de conservateurs étrangers ?
Nous verrons cela en fonction des prochains départs. Nous avons toujours la volonté d’accueillir une proportion de conservateurs étrangers. La dernière recrutée est Angela Lampe. Joanna Mitkowska, elle, est partie diriger le Musée de Varsovie.
Comment comptez-vous définir la programmation des Centre Pompidou-Metz, Alma et Mobile ?
Metz aura une relative autonomie avec son propre mode de gestion. Sa contrainte sera de s’adresser aux collections du musée pour les accrochages qui seront la partie la plus visible de sa programmation. Pour les expositions, Laurent Le Bon a la volonté que certaines soient communes avec celles du Centre, en particulier celles de taille moyenne. Mais j’ai toujours souhaité que Metz ait sa propre programmation et ne soit pas dans l’ombre de l’institution parisienne. Le Centre Pompidou-Alma aura une logique de programmation cohérente avec celle du Centre Pompidou. Quelle que soit la structure de décision optée, il y aura nécessairement une coordination et des discussions en pleine intelligence entre les deux équipes, la programmation du Centre Pompidou-Alma ne devant toucher que des générations intermédiaires d’artistes qu’on ne trouvera plus au Centre.
Ne serait-il pas souhaitable qu’il y ait pour le Centre Pompidou-Alma un comité de pilotage avec des collectionneurs et des directeurs d’institutions en Région ?
Pour le moment, nous sommes dans une position d’attente. Il a été question d’une structure de réflexion, mais décidera-t-elle de la programmation ? Pour ma part, je pense qu’il est toujours souhaitable d’avoir des contacts, mais une bonne programmation ne se fait pas dans un comité en écoutant l’avis de tout le monde. À un moment donné, il faut trancher. Sa forme pourra être celle d’un comité de consultation, comme pour les acquisitions du Centre Pompidou, qui recueille l’avis de collectionneurs et d’historiens de l’art. Néanmoins, l’équipe du musée garde l’initiative de la proposition.
À propos d’acquisition, les collectionneurs membres du Projet pour l’Art Contemporain (PAC) ont souvent l’impression que leurs choix sont mis en sourdine au profit de ceux des conservateurs.
Le PAC, qui réunit une cinquantaine de membres, est une formidable innovation. J’ai toujours eu pour principe de donner la parole aux collectionneurs. Il y a des débats forts, y compris entre collectionneurs. Au final, les achats sont initiés en majorité par eux, mais aussi, et c’est la règle, par les conservateurs, et approuvés par l’ensemble. Tel ou tel membre peut se sentir frustré d’avoir proposé une œuvre qui n’a pas été retenue, mais elle ne l’a pas été parce que les autres membres du groupe n’en ont pas voulu. Je constate que d’une année sur l’autre les membres du PAC se réinscrivent et qu’il y en a plus chaque année. Cela veut dire qu’ils s’y sentent plutôt bien.
Pourquoi le design et les nouveaux médias sont-ils globalement peu présents lors des accrochages ?
Je ne trouve pas qu’ils soient peu présents. La collection média a été extrêmement valorisée lors de l’accrochage précédent, « Le Mouvement des images ». Elle est, en effet, montrée dans quelques salles seulement actuellement, elle le sera peut-être plus lors de l’accrochage futur. Le design et l’architecture trouvent leur place dans un espace toujours trop restreint. Ce qui a été montré de Starck, ou ce qui va l’être de Sottsass avec l’hommage qu’on lui rendra, est remarquable. Que cela soit trop peu, oui, c’est toujours trop peu.
Quel sera l’axe du prochain accrochage des collections ?
En juin 2009, nous modifierons l’étage contemporain et l’accrochage aura la particularité de ne montrer que des femmes. L’accrochage historique ne sera pas modifié radicalement, mais nous ferons en sorte que de grandes figures comme Sonia Delaunay, Sophie Taeuber-Arp soient mises en avant.
Avez-vous le projet de séparer le musée en deux pour créer un lieu dédié au XXIe siècle ?
Il n’y a pas de projet en ce sens. Je ne crois pas que ce soit ni la volonté du président du Centre, Alain Seban, ni celle de la ministre de la Culture, et en tout cas pas la mienne. Un autre découpage serait problématique en termes de justesse historique. C’est la grande richesse du Centre de présenter Dada en ayant de l’art contemporain. Il s’agit certes d’une contrainte en termes d’espace, mais la contrepartie est la mobilité des accrochages, la politique hors les murs.
Ne faudrait-il pas agrandir l’Espace 315 pour accorder davantage de place au contemporain ?
L’agrandissement de l’Espace 315 va de pair avec le projet Centre Pompidou-Alma à partir du moment où il permettra de montrer des monographies qui sont actuellement présentées dans la galerie Sud. Dès lors, l’Espace 315 deviendra une plateforme de la création vivante, comme l’année prochaine durant le festival. Voilà pourquoi je crois à la justesse du projet au Palais de Tokyo.
Il semblerait que pour l’exposition « Inde », un comité soit créé avec des collectionneurs et des marchands. N’y a-t-il pas un risque que l’exposition soit happée par le marché d’autant plus que les nouvelles productions seront sans doute financées par des marchands ?
En plein accord avec Fabrice Bousteau [chargé de l’exposition, n.d.l.r.], une conservatrice du Centre, Sophie Duplaix, travaille sur le projet. Elle connaît personnellement la scène indienne. Son état d’esprit, comme celui du président du Centre ou le mien, n’est pas de faire une exposition qui soit une grande foire commerciale. L’intervention des galeries ne sera ni plus ni moins importante que dans toute exposition d’art contemporain aujourd’hui. La participation des galeries doit simplement être contrôlée et se faire en bonne intelligence. Ne soyons pas aveugles, quand on fait une exposition dans l’Espace 315, il y a parfois des productions lourdes que nous ne pouvons assumer seuls. Que des œuvres soient produites par l’artiste et sa galerie, c’est souvent le cas, comme pour le « Monumenta » de Serra. Ce qui s’avère important, c’est que l’exposition soit maîtrisée par le Centre dans son contenu, dans la manière de travailler avec l’artiste. En aucun cas il ne s’agit d’obéir au doigt et à l’œil aux choix des marchands.
Quelles sont les acquisitions remarquables recemment réalisées par le Centre ?
Notre bilan est bon avec des moyens restreints, comme chacun sait, mais compensés par les dations et les actes de générosité. Un collectionneur, membre du PAC, nous a donné un Matthew Barney. Grâce au soutien de Frieder Burda, nous avons acheté la Sainte Vierge de Picabia dans une vente aux enchères. La collection s’enrichit beaucoup dans le domaine de l’art contemporain. Nous avons acquis les œuvres de la dernière salle de l’exposition « Louise Bourgeois », Extrême tension, grâce à la Clarence Westbury Foundation. L’an dernier, nous avons aussi reçu une série formidable de dations, avec le Bacon et le Rothko de la collection Moueix, un très important Matta, un Miró de l’ancienne collection Maeght, un mobile de Calder. Nous nous concentrons sur un art contemporain qui n’est pas celui le plus poussé par les ventes publiques, comme les artistes d’Europe de l’Est, en prélude à une exposition que nous préparons.
Le report de l’exposition Calder a-t-il nui à l’image du Centre aux États-Unis ?
Très franchement non. Le Whitney Museum, à New York, a compris que nous faisions face à une situation exceptionnelle. Les prêteurs se sont montrés à 95 % très compréhensifs et ont accepté de reporter les dates des prêts. Il y a une solidarité entre les institutions.
Quel bilan tirez-vous du « Monumenta » de Serra ?
Le succès médiatique et public a permis de conforter « Monumenta » comme un rendez-vous régulier. C’est un espace exceptionnel. Pour moi, cela a été un moment de bonheur absolu de travailler sur ce projet. Serra a répondu de façon forte, courageuse, non complaisante. Il a réalisé une œuvre pas gagnée d’avance, même pas pour lui.
Quelle exposition vous a marquée dernièrement ?
À Bâle, deux expositions étaient remarquables. J’ai beaucoup aimé celle de Delaunay au Kunstmuseum et celle de Monika Sosnowska au Schaulager, le genre d’exposition qui vous confirme la place d’une artiste.
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Alfred Pacquement, directeur du Musée national d’art moderne – Centre de création industrielle
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°284 du 20 juin 2008, avec le titre suivant : Alfred Pacquement, directeur du Musée national d’art moderne – Centre de création industrielle