2010, l’année de la reprise

Par Armelle Malvoisin · Le Journal des Arts

Le 21 janvier 2011 - 985 mots

L’activité des ventes est bien repartie en France l’an dernier, avec des vendeurs et acheteurs plus confiants. Christie’s et Sotheby’s se disputent la première place.

 L’ année 2010 est celle de la reprise. Le marché de l’art mondial est en verve, même si Sotheby’s et Christie’s n’ont pas encore publié leurs chiffres à l’international. Même constat à Paris où les dix plus importantes sociétés de ventes françaises (lire ci-dessous) cumulent une activité des ventes de 676,6 millions d’euros en 2010, en hausse de 40,7 % par rapport à 2009 (1) si l’on exclut du calcul la vente de la collection Saint Laurent-Bergé (342 millions d’euros en février 2009). Placé sous les feux des projecteurs pour le scandale des vols de commissionnaires, puis pour sa gestion conservatrice non stratégique et non concurrentielle, l’hôtel des ventes Drouot, à Paris, affiche 441 millions d’euros de transactions l’an dernier (2), soit seulement 7,5 % de mieux qu’en 2009. C’est une faible progression dans un marché de l’art de nouveau dynamique, après une année morose. Comparativement, pour les sociétés Piasa, Aguttes, Millon & Associés, Cornette de Saint Cyr, Pierre Bergé & associés et Beaussant Lefèvre, soit les maisons de ventes les plus actives à Drouot, la reprise en 2010 a été de 16 % en moyenne. Quant aux trois sociétés leaders en France (Christie’s, Sotheby’s et Artcurial), elles totalisent ensemble 454,3 millions d’euros, soit mieux que le produit de Drouot avec 70 maisons de ventes.

Christie’s et Sotheby’s sont au coude à coude à Paris en 2010, avec respectivement 176,5 et 175 millions d’euros de recettes. Cette position se reflète sur le marché de l’art international où les deux maisons se partagent invariablement la plus grosse part du gâteau à quasi-égalité. L’activité de Christie’s et Sotheby’s sur le marché parisien depuis bientôt dix ans renforce l’attractivité de la France aux yeux des collectionneurs internationaux. Les deux auctioneers ont notamment porté la photographie et les arts premiers à des niveaux très élevés dans la capitale en 2010. Christie’s a, pour l’ensemble de ses vacations, comptabilisé 61 % d’acheteurs étrangers qui ont emporté 85 % des lots en valeur. Les statistiques sont similaires chez Sotheby’s.

L’exceptionnelle enchère de 43,2 millions d’euros pour la Tête d’Amedeo Modigliani, vendue le 14 juin chez Christie’s, apparaît un peu comme un ovni dans un marché de l’art français peu coutumier des adjudications en dizaines de millions d’euros. Ce type d’œuvres isolées est généralement exporté vers les places de Londres ou de New York, pour être offert dans des ventes d’art moderne plus homogènes. La sculpture de Modigliani mise à part, les plus belles enchères parisiennes en 2010 n’ont pas dépassé 5,5 millions d’euros pour un rare vase impérial en porcelaine d’époque Yongzheng, adjugé à Drouot le 14 décembre chez Piasa, devant un siège à cariatide Luba du Congo, adjugé 5,4 millions d’euros le 30 novembre chez Sotheby’s (lire p. 19). Alors que Christie’s ne compte pas moins de 60 enchères à plus de 7 millions de dollars (5 millions d’euros) entre New York, Londres et Hongkong en 2010, son deuxième meilleur prix à Paris plafonne à 3,3 millions d’euros pour un pot chinois en jade vert de la dynastie Qing, le 15 décembre. Artcurial ne fait pas mieux avec un grand mobile d’Alexander Calder dédicacé à Jean Vilar, cédé pour 3 millions d’euros le 31 mai à l’hôtel Dassault. 

Nombreuses embellies
Premier opérateur made in France des ventes publiques, Artcurial conforte sa troisième place avec plus de 100 millions d’euros de produit de ventes. Spécialisé dans les arts des XXe et XXIe siècles, il a connu des embellies dans les secteurs de l’art moderne (18,3 millions d’euros, 14 %), du design (6 millions d’euros, 92 %) et des voitures de collection (12,3 millions d’euros, 77 %), et doublé ses résultats en art contemporain (20,6 millions d’euros). Assez loin derrière, Piasa enregistre une année à 45 millions d’euros. Première société de ventes à Drouot, Piasa pèse à elle seule plus de 10 % du chiffre d’affaires qui y est réalisé. Elle doit ses bons résultats notamment à la dispersion de la succession Carasso qui lui a rapporté 9,1 millions d’euros le 19 mars. Piasa se réorganise depuis deux ans suite aux départs de ses membres fondateurs et aux changements d’actionnariat, mais souffre d’un déficit d’image, d’une stratégie de développement trop timide et de l’absence de personnalités fortes au sein de son équipe.

La maison Tajan (39,2 millions d’euros) a aussi profité de la bonne santé du marché et de la fidélité d’une partie de sa clientèle historique. Ses ventes de joaillerie à Paris et Monaco sont montées à 9,2 millions d’euros (en progression de 30 %). Insistant sur son caractère généraliste, Tajan a pourtant du mal à s’imposer dans nombre de spécialités. Aguttes maintient à peu de chose près son chiffre de l’an dernier (33,5 millions d’euros) avec, pour premier poste de recettes, l’art moderne (12,6 millions d’euros), suivi de l’Art déco (5,6 millions d’euros). Millon & Associés (33,3 millions d’euros) s’est particulièrement montrée dynamique dans l’art moderne et contemporain (9,7 millions d’euros). Chez Cornette de Saint Cyr (25,8 millions d’euros), la locomotive demeure l’art contemporain avec 17,5 millions d’euros de produit ( 15 %). Pierre Bergé & associés a connu en 2010 une activité en France (25 millions d’euros) plus soutenue que chez sa filiale belge (21 millions d’euros). Elle le doit à l’apport de la collection Kerchache (5,7 millions d’euros). Notons qu’elle reste leader en France pour l’archéologie (4,7 millions d’euros). Enfin, derrière Beaussant Lefèvre (20,5 millions d’euros), d’autres maisons moyennes au profil classique estiment avoir bien travaillé en 2010, à l’instar de Fraysse & Associés (16 millions d’euros), Gros & Delettrez (14,2 millions d’euros), Osenat et Europ Auction (12,5 millions d’euros chacun).

Notes

(1) En tenant compte de la vente Saint Laurent-Bergé, le chiffre d’affaires des dix premières sociétés de ventes françaises recule de 17,8 %.

(2) Ce chiffre inclut les ventes de Drouot-Nord et Drouot-Véhicules.

Top 10 des sociétés de ventes françaises en 2010

Le Top 10 des sociétés de ventes françaises en 2010 - copyright Le Journal des Arts

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°339 du 21 janvier 2011, avec le titre suivant : 2010, l’année de la reprise

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