Italie - Biennale

BIENNALE DE VENISE

Pendant la Biennale, Venise se loue à prix d’or

Les coûts de représentation pour participer à ce rendez-vous incontournable de l’art contemporain font exploser les prix des espaces d’exposition et des activités afférentes.

Le Palazzo Smith Mangilli Valmarana (façade blanche au centre de l'image) propose un espace d'exposition de 400 m²  durant la Biennale de Venise. © Wolfgang Moroder, 2016, CC-BY 2.5
Le Palazzo Smith Mangilli Valmarana (façade blanche au centre de l'image) propose un espace d'exposition de 400 m² durant la Biennale de Venise.

Venise (Italie). Les Vénitiens sont souvent accusés d’avoir « vendu » leur ville aux visiteurs étrangers. C’est justement le thème de la Biennale internationale d’art contemporain, intitulée « Stranieri Ovunque – Des étrangers partout » qui a ouvert le 20 avril. Pendant la Biennale, Venise n’est pas à vendre, elle est surtout à louer. Au prix fort. Tous les pays ne jouissent pas du privilège de disposer d’un pavillon national aux Giardini ou à l’Arsenal dont le coût est souvent très élevé. En 2015, l’Australie avait ainsi déboursé 7,5 millions de dollars [7 M€] pour un pavillon flambant neuf. Le pays hôte, l’Italie, avait dû recourir à une souscription publique pour boucler son budget en 2013 et les États-Unis en 2005, faute d’avoir levé assez de fonds, avaient failli ne pas ouvrir leur pavillon. Cette année, 90 nationalités sont représentées à cette 60e édition, la première dirigée par un commissaire de l’hémisphère sud, le Brésilien Adriano Pedrosa. Une trentaine d’événements sont également organisés au fil des sept mois que dure cette grand-messe de l’art contemporain.

La moindre parcelle libre est à louer

Les espaces d’exposition disponibles sont pris d’assaut. De simples particuliers et de nombreuses fondations aussi bien publiques que privées se pressent pour trouver un espace. Plus de 150 lieux aux dimensions variées ont ainsi été recensés avant l’ouverture de la Biennale. Cela va des 200 mètres carrés offerts par l’Académie des beaux-arts sur le quai des Zattere jusqu’aux 1 200 mètres carrés du cloître gothique de l’église de la Madonna dell’Orto dans le quartier de Cannaregio. L’assureur Generali propose 650 mètres carrés au sein des Vieilles Procuraties, palais emblématique de la place Saint-Marc récemment acquis et réhabilité par l’architecte David Chipperfield. L’aula magna de l’Ateneo Veneto, le plus ancien centre culturel encore actif dans la cité lacustre, accueille temporairement les œuvres du peintre américain Walton Ford. Les palais historiques ne sont pas en reste à l’instar du Palazzo Smith Mangilli Valmanara sur le Grand Canal [voir ill.] ou encore d’anciens théâtres reconvertis, comme le Teatro dell’Arte alle Fondamenta Nuove. D’anciens dépôts, ateliers, fonderies, pharmacies ou petits chantiers navals sont aussi mis à la disposition du plus offrant.

L'église de la Madonna dell’Orto à Venise propose son cloître en location. © Marc Ryckaert, 2014, CC BY-SA 4.0
L'église de la Madonna dell’Orto à Venise propose son cloître en location.

La Biennale de Venise n’est pas seulement importante pour le marché de l’art international, mais elle est essentielle pour le marché immobilier de la ville qui l’abrite. Elle génère un chiffre d’affaires évalué à 30 millions d’euros. Les pays ne disposant pas d’un pavillon prévoient ainsi un budget compris entre 100 000 et 500 000 euros pour participer. Il comprend aussi bien les frais de communication, de transport des œuvres que ceux liés à l’organisation de l’exposition sur le site. Les plus économiques étaient jusqu’à présent les églises qui pouvaient en louer à environ 10 000-15 000 euros par mois. La Curie à court de fonds pour restaurer son immense et fragile patrimoine a néanmoins augmenté ses loyers ces dernières années et souhaite être de plus en plus impliquée dans les projets artistiques. Le prix d’un simple entrepôt (7 000-10 000 euros par mois) est sextuplé pendant les sept mois de la Biennale. Inflation qui concerne évidemment les palais historiques que l’on ne trouve plus à moins de 300 000 euros pour toute la durée de l’exposition. Une somme à laquelle il faut ajouter les coûts pour sa surveillance qui sont d’environ 25 000 euros ainsi que l’installation des œuvres. Celle-ci est réalisée par des entreprises locales qui croulent sous le travail en cette période et n’hésitent donc pas à alourdir la facture pour se rendre plus rapidement disponibles.

Il faut enfin ajouter les incontournables frais de bouche à honorer dans le cadre de ce grand rendez-vous mondain. Ils ne s’élèvent qu’à 3 000 euros pour l’apéritif sommaire de la soirée inaugurale, mais dépassent largement les 20 000 euros pour des hors-d’œuvre plus raffinés arrosés de champagne. Il n’y a pas que les œuvres qui transitent par la lagune. La semaine d’inauguration de la Biennale est une semaine noire pour la circulation dans une ville où le transport est par définition difficile. Les pavillons qui souhaitent avoir à disposition un taxi à la journée pour leurs invités ont déjà réservé des mois à l’avance. Un luxe qui grève leur budget d’au moins 1 200 euros par jour.

Une manne touristique

Pour les hôteliers, c’est une semaine en or. Ils sont certainement ceux qui attendent avec le plus d’impatience le début de la Biennale de Venise. Une récente étude menée par la revue Il Mulino à l’occasion de la Biennale d’architecture (qui attire bien moins de visiteurs que celle de l’art) indique que le prix moyen d’une nuitée entre le 18 et le 20 mai 2023 (week-end de l’inauguration) avait frôlé les 700 euros. Une hausse de 86 % comparée au prix moyen entre mars et juin, des mois considérés comme faisant partie de la haute saison en raison de leurs nombreux jours fériés. Il n’est ainsi pas difficile de convaincre les acteurs du secteur touristique vénitien de la valeur ajoutée que l’art apporte à nos vies, en général… et à leurs affaires.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°632 du 26 avril 2024, avec le titre suivant : Pendant la Biennale, Venise se loue à prix d’or

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