PARIS
Ouverte à la diversité des formes et des médiums, Menart Fair témoigne de l’effervescence artistique qui règne dans les pays du Maghreb, du Levant et du Golfe, Iran inclus.
Dès l’origine du projet, il était acquis pour Laure d’Hauteville et Joanna Chevalier, fondatrice et directrice artistique de Menart Fair, que les galeries auraient carte blanche pour le choix des artistes et des œuvres qu’elles souhaitaient présenter. De fait, leur sélection offre une belle variété d’artistes originaires d’Algérie, du Maroc, de Tunisie, d’Égypte, de Palestine, d’Israël, du Liban, de Syrie et de Jordanie, mais aussi d’Iran, d’Irak, du Qatar, d’Arabie saoudite, des Émirats arabes unis (E.A.U.) et du Yémen. Certains d’entre eux ont vécu, ou vivent encore, en Occident et bénéficient déjà d’une reconnaissance internationale ; les autres sont, pour la plupart, encore inconnus en Europe.
La diversité
Les références et les histoires diffèrent entre les artistes. L’abstraction géométrique de Mohamed Hamidi (Galerie 38), figure historique de l’école de Casablanca au début des années 1960, s’enracine par exemple dans le patrimoine rural et berbère du Maroc. Dans ses peintures, les thèmes de la féminité et de la sexualité imprègnent les formes géométriques. Figure centrale de la peinture moderniste en Égypte, Hamed Abdalla (Mark Hachem) puise quant à lui dans la calligraphie et les arts islamiques, au même titre que dans le mouvement CoBrA et le lettrisme, pour évoquer la condition humaine, ses souffrances et ses injustices. « Ma règle principale, comme artiste oriental, est de peindre la nature telle que je la vois dans mon esprit, et non pas telle qu’elle paraît à l’œil », racontait cet artiste politiquement engagé, né en 1917 au Caire dans une famille de paysans et mort à Paris en 1985. Autre grande artiste de l’art moderne du MENA, actuellement objet d’une rétrospective au Musée de Sharjah (E.A.U.), Baya Mahieddine (Elmarsa Gallery) est, elle, une conteuse née. Son univers délivre en touche délicates de couleurs un monde intérieur peuplé de personnages, d’animaux fantastiques et de végétaux fantaisistes.
L’universel
L’imaginaire du jeune Tunisien Slimen El Kamel (Galerie La La Lande) flirte aussi avec le conte, tandis que les récits de l’artiste iranienne Soraya Sharghi (Leila Heller Gallery) et de la Franco-Israélienne Rebecca Brodskis (Lara Sedbon x Durazzo Projects) s’incarnent dans des personnages et des symboles oniriques à l’intériorité émotionnelle puissante. Leurs références poétiques et littéraires sont précises, tout comme le sont celles de Katâyoun Rouhi (Shirin Art Gallery) et d’Etel Adnan (Galleria Continua), dont le parcours d’artistes est indissociable de celui de poétesses aux imaginaires nourris de récits épiques comme des récents conflits. Avec Simone Fattal (Galerie Tanit), Katâyoun Rouhi et Etel Adnan sont trois des grandes artistes de la région. « Courage is not the absence of fear but the ability to overcome » (« Le courage n’est pas l’absence de peur mais la capacité de la surmonter ») : la citation inspirée de Nelson Mandela est gravée sur une fine plaque de cire translucide par l’artiste algérienne Amina Zoubir (AYN Gallery). Elle nous revient en tête devant les assemblages de matériaux collectés par Abdul Rahman Katanani (Saleh Barakat Gallery) dans le camp de réfugiés palestiniens de Chatila où l’artiste est né en 1983, un an après le massacre perpétré dans ce camp de Beyrouth. La situation de la Palestine et des Palestiniens est au cœur de son travail. Il en va de même avec Ayman Yossri Daydban (ATHR Gallery), qui soulève les questions d’existence, d’identité et d’appartenance liées au patrimoine culturel. Les dômes, tours, mausolées et minarets en céramique de l’Iranien Shahpour Pouyan (Nathalie Obadia) explorent, par leur absence de portes, les questions de pouvoir et de domination.
Cartographies
Ce sont les formes géométriques de l’architecture, leur résonance avec l’histoire de la peinture (le constructivisme russe, notamment), qui retiennent davantage le photographe libanais Serge Najjar (Galerie Bessières), leur mise en volume par Ali Kandil faisant appel au savoir-faire de l’Atelier Relief créé à Bruxelles par le Libanais Farid Issa. Les cartographies mentales de villes de la peintre et céramiste libanaise Dinah Diwan (Esther Woerdehoff), architecte de formation, reformulent pour leur part ce qui constitue d’ordinaire un plan.
La reconfiguration de la calligraphie arabe par l’artiste saoudienne Lulwah Al Homoud (Mono Gallery) passe de son côté par les mathématiques et la géométrie ; celle du jeune Qatarien Ahmed Nouh (Eiwan al Gassar Gallery), par le collage de textes et d’affiches revisités et rehaussés de couleurs vives. Dans les peintures du Jordanien Zaid Shawwa (Wadi Finan Art Gallery), c’est la réinterprétation du quotidien qui aboutit à d’étranges situations. Ce que le photographe marocain Yoriyas (193 Gallery) retient de Casablanca rompt également avec l’image habituelle de la ville. L’harmonie des tapisseries de la Libanaise Michelle Maluf (Galerie Cheriff Tabet), elle, naît des contrastes de fils de laine et de cuir. Les créations de la designer libanaise Nada Debs (Studio Nada Debs) distillent la culture et l’artisanat pour créer des pièces à résonance émotionnelle. Moataz Nasr (Galleria Continua) perfore et peint, quant à lui, des conteneurs de gaz et les enfile comme des perles précieuses (Petro Beads). Produit du recyclage, ces lampes rappellent les lampes métalliques traditionnelles d’Afrique du Nord. Elles font donc référence à une pratique artisanale ancienne comme à un principe (le recyclage) contemporain.
